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a voulu qu’elles fussent sous les yeux mêmes du spectateur, de manière à permettre à celui-ci de mieux juger son œuvre. Il a atteint ce but au moyen d’une construction originale, de forme rectangulaire, ouverte sur un de ses côtés par un escalier central donnant accès à un autel érigé en plein air et placé au milieu des quatre ailes de l’édifice. La longue frise de sculptures embrassant le pourtour du temple n’était interrompue que par cet escalier. Élevée de deux mètres et demi seulement au-dessus du sol, elle se trouvait par conséquent tout à fait à portée du regard et dans des conditions excellentes d’exposition. Des colonnes ioniques, de dimensions assez restreintes, affleurées au haut de l’escalier, reposaient sur le soubassement dans lequel était encastrée la frise, et soutenaient elles-mêmes la corniche. Les métopes placées sur les faces intérieures y étaient aussi à bonne hauteur et bien en vue. Bien que ces métopes, qui représentent divers traits de la légende des Pélopides, aient un mérite très réel, on y prête cependant moins d’attention, tant elles sont éclipsées par les grands reliefs de la frise. L’appareil de cette frise offre une particularité remarquable et qui nous renseigne sur le mode d’exécution de ces sculptures. Les blocs de grandeur inégale, reliés entre eux par des tenons et tirés d’un marbre gris bleuâtre dont la provenance reste encore ignorée, ont été insérés bruts dans la construction, de manière à être travaillés sur place, ce qui a pu permettre à l’artiste, au cours de son œuvre, d’en mieux apprécier l’effet. Les joints, soigneusement dissimulés, sont, en certains endroits, masqués par des morceaux rapportés et découpés suivant les contours des figures. Des lettres inscrites sur la moulure servaient de repères pour disposer ces dalles hautes de 2m, 30 et généralement épaisses de 0m, 50.

La frise ainsi formée se développe sur une longueur totale d’environ cent mètres et représente, on le sait, la bataille entre les géans et les dieux. C’est le moment décisif, tel qu’il est dépeint dans ce passage d’Hésiode, qui semble avoir inspiré l’artiste : « Il s’engagea en ce jour une lutte épouvantable à laquelle prirent part tous les dieux et toutes les déesses, soit de la race des Titans, soit de la postérité de Cronos, ainsi que ces géans redoutables doués d’une force démesurée... Au fracas terrible de la mer infinie se mêlaient le bruit immense de la terre et le gémissement du vaste ciel, ébranlé tout entier. » Sur tous les points, en effet, le combat est engagé, combat sauvage et à outrance, car ici les dieux et les déesses, Jupiter, Minerve, Diane, Hécate, Hélios, Amphitrite et Cybèle, ont à vaincre des êtres plus qu’humains qui, ligués pour un suprême assaut, les harcèlent et accumulent contre eux, dans leur rage, tous les élémens de destruction dont ils peuvent disposer. Dans cette mêlée furibonde, les groupes se succèdent ou se confondent, animés