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des figures déjà connues. Mais c’était là une impression qui, longtemps, aurait pu demeurer vague si le musée des moulages n’avait permis aussitôt, et par un simple rapprochement, des affirmations précises et tout à fait irrécusables. La seule juxtaposition d’un bas-relief du Vatican, le Combat d’Artémis et de Leto contre les Géans, à côté du groupe de Jupiter, dans la Gigantomachie, a suffi pour faire reconnaître plusieurs emprunts formels dans ce bas-relief du Vatican : le géant qui s’apprête à lancer un quartier de roche et aussi les deux déesses elles-mêmes, qui, presque sans aucun changement, sont copiées d’un autre groupe de la frise. La Minerve combattant de cette même frise, exposée également dans la rotonde, en face du Jupiter, a permis une constatation encore plus imprévue dans le célèbre groupe du Laocoon. La figure principale de ce groupe, celle du père, reproduit exactement celle d’un jeune combattant étendu aux pieds de Minerve; l’attitude du corps, le torse dans ses moindres détails, le haut des jambes et jusqu’aux enroulemens de la queue du monstre qui l’enlace sont, de part et d’autre, absolument identiques, le plagiat est évident et il s’accusait même, à l’origine, plus formel qu’aujourd’hui. Chez le Laocoon, en effet, le bras droit, qui, élevé en l’air, soutient les serpens, est une restauration moderne, faite par Giovanni Montorsoli, et si, à y bien regarder, on pouvait facilement reconnaître que cette restauration est défectueuse, on ignorait cependant quel avait été le véritable mouvement du bras dans l’œuvre originale. Replié sur lui-même et ramené vers la tête comme par l’excès même de la souffrance, il est, dans la statue de Pergame à la fois plus expressif et plus conforme au mouvement général de la figure. Sans parler de la beauté d’exécution qui est incomparablement supérieure, le marbre de Pergame l’emporte également par la composition, et ce jeune homme qui, dans l’angoisse de la mort, cherche de sa main le bras de la déesse et s’y cramponne, est une des inspirations les plus touchantes de l’art antique. Qui sait si ce Laocoon, pour lequel trois artistes rhodiens se sont associés, n’est pas composé d’autres emprunts encore? et qui pourrait répondre que la confrontation des statues de Pergame avec d’autres sculptures, tenues jusqu’ici pour originales, n’amènera pas la découverte de nouveaux larcins? Il y a ainsi, parmi les antiques, bon nombre d’ouvrages où la froideur de l’exécution décèle la main d’un copiste et que l’avenir dépouillera peut-être du prestige que trop longtemps ils ont usurpé. Quand on voit comme les productions des maîtres les plus célèbres ont été souvent reproduites, on ne songe plus à s’étonner de la disproportion qu’on observe entre certains noms et les œuvres qu’on leur impute, et on s’estime heureux si, à travers la banale exécution de la copie, on peut encore soupçonner quelques-uns des mérites des