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Guise mort, la guerre était de fait terminée : l’accord se fit promptement entre la reine mère et Condé ; l’édit d’Amboise (19 mars 1563) accorda le libre exercice de la nouvelle religion dans les châteaux et dans les villes où cette liberté existait avant la guerre ; une exception était faite pour la ville et la prévôté de Paris. La reine mère eut bien soin de s’en targuer auprès des Parisiens : elle écrit de sa main au camp devant Orléans, le 13 mars 1563 : « Monsieur Montmorency, je vous prie de le faire entendre à M. de Gounors et au premier président, et si vous pansé que, en le disant au provoét de marchant, que cela seit cause de leur fayre trover milleur la pays, car, si s’eust esté à ma volonté, je vous aseure et vous prie leur dire que pour seur y n’i an neut point heu en nul lyeu ; mès la nécésité du temps et le grand forse qui leur vyenet m’on contraynte. » Elle veut faire sortir les étrangers de France, et les concessions qu’elle fait partent moins d’un sentiment de tolérance que du désir de faire rentrer son fils « en toutes ses villes. » Elle dit à don François de Alava, l’ambassadeur d’Espagne, « que tout cela se rebilleroit et qu’il falloit reculer pour mieux sauter[1]. » Elle était avertie que l’empereur des Romains, profitant des troubles du royaume, songeait à recouvrer Metz, Toul et Verdun ; elle connaissait les desseins des Anglais sur la basse Normandie ; il fallait courir au plus pressé ; on négocia tout de suite avec Elisabeth au sujet du Havre : Catherine mena les négociations de manière à les faire échouer. Elle fit reprendre Le Havre de force par les catholiques et les protestans réunis, espérant, comme ils l’espéraient eux-mêmes alors, que les divisions récentes allaient être oubliées. Elisabeth n’en dut pas moins abandonner tous ses droits sur Calais, qu’elle avait offert un moment d’échanger contre la place du Havre.

Pendant cette première guerre civile, il faut l’avouer, Catherine eut des vues assez justes, des instincts assez royaux. La fortune la servit ou trop bien ou trop mal ; trop mal, en ne lui donnant pas une victoire complète ; trop bien, en remettant toutes choses dans une fluctuation et une incertitude où se plaisait son génie. La bataille de Dreux ne décida rien ; elle fut sanglante sans être féconde ; elle n’anéantit aucun des partis en présence et ne fut ainsi que le premier acte d’une longue et sombre tragédie qui dura pendant toute la fin du siècle.


III

La correspondance aujourd’hui publiée par M. de La Ferrière s’arrête après la première guerre civile. Combien ne sera-t-elle pas

  1. Lettres de Catherine de Médicis, p. 534.