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même temps que les impuretés de toute nature qu’elle contient encore ; ces élémens nuisibles sont entraînés par les fumées ou passent dans les scories. L’affinage de la fonte s’opérait d’abord dans les « bas-foyers » au combustible végétal ; un des premiers progrès fut l’invention du four à puddler, où la fonte se charge sur une sole horizontale que vient lécher la flamme d’un foyer à houille. Pour activer la décarburation, on ajoute à la fonte des battitures ou de vieux fers oxydés. Le puddleur brasse la matière incandescente et pâteuse avec un ringard, de manière à former des agglomérations, des loupes qu’on extrait du four pour les marteler. C’est un travail fort pénible, qui exige des ouvriers robustes et expérimentés ; aussi les métallurgistes ont-ils cherché le moyen de l’accomplir mécaniquement. Depuis dix ans, on emploie beaucoup les fours à puddler mécaniques inventés par l’Américain S. Danks, dont la sole est formée par un tambour tournant. Au lieu de loupes de 40 ou 50 kilogrammes, ils permettent d’obtenir des blocs de fer ou d’acier de 500 kilos. Mais tout cela est peu de chose à côté des résultats que donnent les procédés fondés sur la fusion directe du métal.

En première ligne se place l’admirable invention de M. Bossemer, qui a trouvé le moyen « de fabriquer le fer et l’acier sans combustible, » la chaleur nécessaire étant fournie par le silicium et le carbone de la fonte, qu’il s’agit précisément de brûler. Il a suffi, pour arriver à ce résultat, de faire traverser la fonte en fusion par des jets de vent. L’opération se fait dans le convertisseur, sorte de cornue de tôle, garnie intérieurement de matériaux réfractaires, et pouvant tourner autour d’un axe horizontal. Le fond de l’appareil est percé comme une écumoire et doublé d’une boîte à vent, dans laquelle une machine soufflante lance un courant d’air comprimé. On commence par incliner le convertisseur afin d’y couler plusieurs milliers de kilos de fonte liquide puis on donne le vent tout en redressant l’appareil ; les jets d’air traversent le métal en fusion, le brassent violemment, l’épurent par une véritable combustion intermoléculaire, et lui conservent toute sa fluidité, car la température du bain de fonte s élève peu à peu de 1,000 à 2,000 ou 2,500 degrés, grâce à la chaleur fournie par la combustion du carbone et surtout du silicium. C’est la respiration d’un monstrueux animal. Dans les premiers instans, la flamme qui sort de l’orifice de la cornue est faible et assez terne : c’est le silicium qui brûle d’abord seul ; puis le carbone est attaqué à son tour ; la flamme, tendue et rugissante, prend un éclat extraordinaire, et la violente ébullition de la masse en fusion fait trembler l’appareil sur sa base. Quand la décarburation est complète, la flamme se raccourcit brusquement et perd son pouvoir éclairant : c’est le fer lui-même qui brûle alors. À ce moment précis, que l’on tâche de saisir en observant la flamme soit à l’œil nu, soit au spectroscope, il faut arrêter le vent et renverser la cornue. On introduit alors une petite quantité de fonte manganésifère