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chemins de fer étaient exploités, donnant un revenu brut de 13 millions, et depuis plus de trois ans[1] le gouvernement hésitait entre le système de la concession de nouvelles lignes à l’industrie privée et la construction par l’état d’un grand réseau national, lorsque la loi du 11 juin 1842 arrêta les bases du régime qui, dans ses traits essentiels, prévaut encore aujourd’hui.

La simple citation de quelques-uns des articles de cette loi suffit pour en faire apprécier la, grandeur. L’article 1er était ainsi conçu :

Il sera établi un système de chemins de fer se dirigeant : 1° de Paris sur la frontière de Belgique, par Lille et Valenciennes ; sur l’Angleterre, par un ou plusieurs points du littoral de la Manche qui seront ultérieurement déterminés ; sur la frontière d’Allemagne, par Nancy et Strasbourg ; sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille et Cette ; sur la frontière d’Espagne, par Tours, Poitiers, Angoulême, Bayonne ; sur l’Océan, par Tours et Nantes ; sur le centre de la France, par Bourges ; 2° de la Méditerranée sur le Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse ; de l’Océan sur la Méditerranée, par Bordeaux., Toulouse et Marseille.

Après l’exposé de ce plan vraiment national dont aucun pays n’a présenté l’équivalent, l’article 2 de la loi déterminait le mode d’exécution en y faisant concourir tous les intéressés :

L’exécution des grandes lignes de chemins de fer définies par l’article précédent, aura lieu : 1° par le concours de l’état, dés départemens traversés et des communes intéressées ; 2° de l’industrie privée, dans les proportions et suivant les formes établies par les articles ci-après.

Néanmoins ces lignes pourront être concédées en totalité ou en partie à l’industrie privée, en vertu de lois spéciales et aux conditions qui seront alors déterminées[2].

  1. Plusieurs groupes s’étaient constitués pour obtenir diverses concessions. En 1830, les lignes de Paris à Rouen et au Havre, de Paris à Orléans, de Lille à Dunkerque, etc., avaient été concédées à des sociétés particulières. La première, dite des plateaux, résilia son contrat dès 1839, ainsi que celle de Lille à Dunkerque. La compagnie d’Orléans ne voulut conserver que le petit embranchement de Corbeil ; la compagnie de Strasbourg resta seule sur pied, mais obtint plus tard la prolongation de sa concession à 99 ans et un secours de plus de 12 millions. Après trois ans d’hésitation, la compagnie d’Orléans, moyennant aussi une prolongation de durée, revint sur ses hésitations. C’est enfin en 1840 que des capitalistes anglais obtinrent la concession du chemin de fer de Paris à Rouen par les vallées.
  2. Ce dernier paragraphe, introduit par amendement dans la discussion, réservait pour l’avenir toute liberté dans le système de l’exécution. Le gouvernement avait reconnu lui-même par avance qu’elle pouvait n’être pas uniforme, puisque les lignes de Rouen au Havre, de Paris à Orléans, de Montpellier à Cette, avaient déjà été concédées à des compagnies et qu’elles auraient dû être classées, comme elles le furent plus tard, dans les grands réseaux.