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1859. Chacune des six grandes compagnies s’est engagée à joindre de nouveaux prolongemens à son second réseau, et l’état, de son côté, a dû accroître le chiffre possible des garanties à leur accorder. Cette extension, qui comprenait des lignes de moins en moins productives, ne portait point atteinte aux intérêts des actionnaires protégés par le revenu réservé de l’ancien réseau, mais elle diminuait les chances d’amélioration pour l’avenir, puisque l’excédent de ce revenu, le déversoir, s’appliquerait à un nombre plus grand de kilomètres moins productifs : elle reculait ainsi les époques où la garantie d’intérêt prendrait fin, où les compagnies pourraient rembourser une partie des sommes avancées, à plus forte raison, où le partage des bénéfices avec l’état deviendrait possible. En échange de ce sacrifice, le gouvernement s’assura un seul avantage. Au lieu d’une soulte de 1 fr. 10 consentie à forfait, à prélever dans le produit brut avant de déterminer le revenu garanti et qui représentait la différence entre l’intérêt de 4.65 pour 100 consenti par l’état et l’intérêt réel payé par les compagnies pour leurs obligations, il fut stipulé dans les conventions de 1875 que le taux réel de l’émission des obligations fixerait le montant de la soulte.

En vertu de ces nouveaux contrats, 3,000 kilomètres environ on été ajoutés au réseau des chemins de fer, et il n’y a qu’à louer la sagesse et les heureux résultats des dispositions prises ; mais la loi de 1878, qui a constitué le réseau de l’état, et l’approbation du plan si vaste de M. de Freycinet, méritent-elles la même approbation sans réserves ? Quand on se reporte aux circonstances qui ont précédé le vote de la loi de 1878, il semble que l’établissement des chemins de fer de l’état a été l’effet d’un pur hasard, sans prévision aucune de ses conséquences. En présentant aux chambres un projet pour l’incorporation de divers chemins d’intérêt local dans l’ensemble des chemins d’intérêt général, en demandant l’approbation de conventions passées avec les compagnies des Charentes, de la Vendée, de Bressuire à Poitiers, de Saint-Nazaire au Croisic, d’Orléans à Chalons, de Clermont à Tulle, d’Orléans à Rouen, etc., le ministre des travaux publics déclarait qu’il s’agissait seulement d’arracher à la ruine des sociétés incapables de poursuivre leurs entreprises et de ne pas enlever aux populations nombreuses de l’Ouest et du Centre des espérances longtemps caressées. A défaut d’autres, l’état, après la plus sérieuse appréciation de la valeur véritable, devint donc l’acquéreur momentané d’un réseau de 2,615 kilomètres, dont 1,575 étaient déjà exploités. Mais le ministre n’avait pas plus résolu de constituer une propriété perpétuelle pour l’état que de le charger de l’exploitation définitive. Il se fit au contraire autoriser à assurer l’exploitation provisoire des lignes rachetées à l’aide de tels moyens qu’il jugerait les moins onéreux pour le trésor, et la loi de finances qui