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devait pourvoir au paiement du capital assurerait de même les ressources à l’aide desquelles il serait fait face à l’insuffisance des recettes.

L’hésitation de l’opinion publique, à ce moment, justifiait bien cette incertitude du gouvernement lui-même. Ainsi, il avait été question d’abord, pour les chemins de fer situés dans l’Ouest, par exemple, que la compagnie d’Orléans les achetât et les exploitât : mais vingt-sept départemens, représentés par leurs conseils-généraux et leurs chambres de commerce, protestèrent contre une solution qui semblait mettre tous leurs intérêts à la merci d’une société privée. L’état dut en conséquence s’en charger et constituer un septième réseau qui, de provisoire, a semblé devoir être définitif, non-seulement au point de vue de la propriété, mais de l’exploitation elle-même, nonobstant l’absence de liaison entre toutes les petites lignes qui le composent, alors que le trafic s’en échappe partout après un bien faible parcours, d’où résulte une proportion très forte entre la dépense et la recette, la première s’élevant à 78 pour 100 de la seconde, sans compter des frais exceptionnels en sus et sans donner aucune rémunération au capital engagé.

Si l’on voulait traiter la question de l’exploitation en France des chemins de fer par l’état comparée avec celle des compagnies, il faudrait reconnaître que celle du réseau auquel on a fini par donner le nom de réseau de l’état ne peut servir d’exemple. Aucun rapprochement n’est possible entre nos grandes compagnies organisées en vertu d’un plan largement et méthodiquement conçu, avec des points de départ et d’arrivée de la plus haute importance, des parcours mûrement étudiés, portant en un mot les signes les plus évidens de l’utilité publique, et ce réseau composé de petits tronçons épars, entourés et traversés par deux grandes compagnies, sans grande utilité stratégique, politique ou même commerciale. Bien qu’on ait attribué à un des administrateurs du réseau de l’Etat cette affirmation qu’il subsisterait comme une menace ou une leçon vis-à-vis des six compagnies, on ne peut vraiment croire à une solution définitive en ce sens, et le doute devient encore plus grand lorsque l’examen des projets conçus par M. de Freycinet montre dans l’avenir la possibilité de laisser l’état exposé à exploiter encore lui-même, quoique toujours à titre provisoire, une partie considérable des nouveaux chemins qu’il s’agit d’exécuter sur toute la surface du territoire à des distances énormes les uns des autres et sans aucun point de raccordement entre eux.

Le réseau de l’État venait donc d’être ainsi constitué lorsque, désireux d’imprimer au travail national une plus grande activité, jaloux d’établir des relations étroites entre les grands ports maritimes, les frontières et les villes de premier rang au moyen des chemins de