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nombreux qu’à l’époque de la pêche miraculeuse. Comme à cette époque, ils nagent réunis par bancs, de sorte que, si l’on ne rencontre pas un de ces bancs du premier coup, on peut jeter inutilement ses filets pendant plusieurs heures, jusqu’à ce qu’un hasard heureux, qui vous met sur une bonne trace, vous permette de remplir votre barque en deux ou trois minutes. Magdala occupe une extrémité de la plaine ; à l’autre extrémité, en longeant la mer, on rencontre un emplacement de ville, ou plutôt un caravansérail en ruines, Khan-Minieh, après lequel le chemin s’élève sur un rocher qui forme une sorte de promontoire et dans lequel il est profondément taillé. Il n’est point douteux que Jésus n’ait suivi ce sentier et n’ait souvent admiré de là le développement du lac qui, nulle part, n’est aussi souple et aussi gracieux. Quelques pas plus loin, on se trouve dans une plaine nouvelle ; enfin, à quelque distance, on rencontre sept ou huit pauvres cabanes bâties en pierres sèches, et une grande quantité de débris plus ou moins antiques que cache une végétation luxuriante : c’est Tell-Houm, où quelques savans veulent voir les ruines de Capharnaüm, l’orgueilleuse cité à laquelle Jésus reprochait de vouloir s’élever jusqu’au ciel et dont il n’est pas bien sûr qu’il reste une seule pierre sur la terre.

Le pays de Génézareth aurait un charme irrésistible s’il n’était desséché de bonne heure par une chaleur torride. Le lac occupe une dépression de 200 mètres au-dessous du niveau de la mer ; il est entouré de toutes parts de montagnes et de rochers qui forment de puissans réflecteurs de lumière et de chaleur ; à partir du mois de mai, on y respire l’atmosphère embrasée d’une chaudière. Il n’en était point ainsi autrefois. La plus riche des végétations tempérait les ardeurs d’un climat devenu si violent. Josèphe nous apprend que la nature s’y était plu, par une sorte de miracle, à y rapprocher côte à côte les plantes des pays froids, les productions des zones brûlantes, les arbres des climats moyens chargés toute l’année de fleurs et de fruits. Antonin martyr ne nous en fait pas une description moins brillante, et, malgré l’aridité du présent, on n’a aucune peine à croire à toutes ces splendeurs passées. Peu de contrées, en effet, possèdent autant de sources, autant de ruisseaux, que le pays de Génézareth ; seulement on laisse les eaux croupir dans des marais, se perdre sous terre ou s’écouler rapidement dans le lac, au lieu de les diriger et de s’en servir pour arroser les plaines qu’elles enrichiraient. Au mois d’avril et dans les premiers jours de mai, lorsque le soleil ne l’a pas encore calcinée, la fécondité de la campagne tient du prodige. Si les moissons manquent, parce qu’on ne sait pas semer, la nature produit spontanément, avec une abondance extraordinaire, des fleurs et des arbustes. Les arbres seuls font défaut ; on