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Ghara. Diodore de Sicile attribue à l’Hyphase 1,283 mètres de largeur et 10 de profondeur ; on voit, d’après le témoignage de Burnes, que le savant auteur de la Bibliothèque historique n’était pas trop mal informé.

Alexandre, en quittant Sangala, s’était immédiatement reporté sur la rive orientale de l’Hydraote. Entre ce fleuve et l’Hyphase s’étendaient les états de Sopithès ; Alexandre reçut en passant la soumission de ce prince, qui parait avoir régné sur une population paisible, entièrement adonnée aux travaux agricoles ; puis, laissant Lahoce sur sa gauche, il se rapprocha du pays des Phégéens, qu’Éphestion lui représentait comme disposés à seconder ses projets, et vint enfin, un peu au-dessous du confluent de l’Hesudrus, asseoir son camp sur la rive droite de l’Hyphase, très probablement à la hauteur de Sobraon ou de Firozpour. Déjà il avait prescrit à ses généraux de tout préparer pour le passage, quand de nouveaux symptômes de découragement, des conciliabules mystérieux, avant-coureurs de la sédition, lui firent sentir la nécessité de haranguer ses troupes et de leur exposer les motifs qui le déterminaient à franchir encore des déserts et des fleuves. Arrien et Quinte Curce nous font assister à ce grand conseil de guerre qui paraît différer bien peu des champs de mai de nos anciens rois et des assemblées tumultueuses de la noblesse polonaise. Quinte Curce est assurément capable d’avoir voulu jeter sur le mâle discours d’Alexandre les fleurs habituelles de sa rhétorique, mais Arrien doit nous avoir transmis, à peu de chose près et sans altération trop sensible, les souvenirs encore vivans de Ptolémée. Il serait étonnant que le roi d’Egypte n’eût pas fidèlement gardé la mémoire de cette heure solennelle, où les soldats partis de l’Hellespont, las de tant de travaux, inquiets de l’inconnu, vers lequel on les entraînait, demandèrent à rétrograder. Les chefs des cohortes font cercle autour d’Alexandre ; leurs regards l’interrogent ; avant qu’il ait parlé, ils voudraient l’avoir déjà compris. D’une voix ferme et grave, le roi répond à leur impatience : « Macédoniens, dit-il, mes compagnons d’armes, je sais que vous n’apportez plus la même ardeur à suivre et à partager ma fortune ; il m’a semblé bon, en conséquence, die vous convoquer pour que nous délibérions ensemble. Si je réussis à vous convaincre, nous irons plus avant ; si vous me prouvez que j’ai tort, nous reviendrons sur nos pas. » Alexandre développe alors les motifs qui l’engagent à marcher vers le Gange. Mieux informés, renseignés comme quelques-uns d’entre eux durent l’être plus tard par les curieux rapports de Mégasthène, les lieutenans du roi de Macédoine auraient rougi de leurs indignes alarmes. Le successeur de Xandramès, Sandracttus, — le Chadragupta des Hindous, — ne put, en effet, s’empêcher, nous assure Plutarque, d’avouer à Mégasthène qu’il s’en