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incomparables portraits de l’église Saint-Vital, de Ravenne. Lombards, Francs, Normands s’en emparent tour à tour pendant les siècles qui suivent. Les compositions dont Luitprand fit orner l’église d’Olona furent longtemps célèbres ; la place du Latran conserve aujourd’hui encore le souvenir du couronnement de Charlemagne, et nulle part la domination de Robert Guiscard et de ses successeurs n’a laissé de monumens aussi éclatans que dans les mosaïques de Cefalu, de Palerme, de Montréal, de Salerne.

Considérée au point de vue du style, la mosaïque conserve plus longtemps qu’aucun autre genre les traditions classiques et s’élève le plus haut. Lorsque, sous l’action du christianisme, la peinture lapidaire se régénère et se prépare à reprendre son essor, la statuaire n’existait déjà plus que de nom. En examinant, au forum, les bas-reliefs de l’arc de Septime Sévère, il semble qu’il soit impossible de tomber plus bas, et cependant, si on les compare à ceux de l’arc Constantin, on trouve entre eux un abîme non moins profond que celui qui sépare l’arc de Sévère dus arcs de Trajan et de Titus. Les sculpteurs des sarcophages chrétiens, dont la majeure partie appartient au IVe et Ve siècle, ont été impuissans à réagir contre le flot montant de la barbarie. On a beau objecter qu’ils fabriquaient leurs ouvrages d’avance, en quantité considérable, qu’ils les considéraient comme des produits industriels plutôt que comme des œuvres d’art ; aucun des sarcophages païens exécutés dans les mêmes conditions ne nous montre des masses aussi mal équilibrées, des figures aussi informes, une ignorance aussi complète des lois de l’anatomie et du goût. Il faut une rare bonne volonté pour découvrir de loin en loin un bout de draperie bien ajusté, une attitude naturelle, un reste d’élégance ou de poésie, dernier reflet des chefs d’œuvre qui à ce moment peuplaient encore l’Italie. À Ravenne, malgré l’influence salutaire de la civilisation byzantine, l’infériorité de la statuaire n’est pas moins sensible qu’à Rome. Rien de plus lourd et de plus grossier que les figures en stuc qui garnissent l’intérieur du baptistère des orthodoxes : on hésiterait, sans le témoignage des textes, à les croire contemporaines des admirables mosaïques de la coupole. Partout la sculpture en ivoire, l’orfèvrerie, refoulent la statuaire proprement dite ; à partir du VIIe siècle, les Italiens semblent renoncer entièrement à travailler le marbre ou le bronze.

Considère-t-on les évolutions de l’architecture, ici encore tout proclame une irrémédiable décadence. Pendant de longs siècles, on ne vit plus que de plagiats ; on dépouille les temples de leurs colonnes, de leurs frises, de leurs, ornemens ; on leur enlève jusqu’aux chambranles et aux chapiteaux, quand toutefois ou ne juge pas plus simple de confisquer le monument tout entier pour le