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transformer en un sanctuaire chrétien. En contemplant les monolithes aux dimensions gigantesques, aux contours si élégans, que l’empire avait donnés pour supports aux basiliques du forum romain ou du forum de Trajan, au Panthéon ou aux thermes de Dioclétien, on est saisi d’admiration devant ces triomphes de la science architecturale. Que de prodiges pour retirer ces masses de la carrière, pour les tailler, pour les transporter dans la capitale ! Ces problèmes, les chrétiens les simplifièrent singulièrement : ont-ils besoin de colonnes pour édifier Saint-Paul hors les Murs, Sainte-Sabine, Saint-Pierre-ès-Liens et tant d’autres basiliques, ils se contentent de mettre en coupe réglée la basilique de Paul-Émile, le mausolée d’Adrien, les thermes. Dans la suite, bâtisseurs et architectes ne se préoccupent même plus d’assurer l’unité de style ou de dimension des matériaux affectés aux créations nouvelles : fûts lisses et cannelés, chapiteaux corinthiens et ioniens, fragmens de frises aux ornemens disparates, tout se trouve mêlé et confondu dans le même édifice : Saint-Laurent hors les Murs, l’Ara-Cœli et bien d’autres sanctuaires romains n’ont que ce désordre pittoresque pour se recommander à l’attention du visiteur.

Quant au plan de ces monumens, il n’est le plus souvent qu’une imitation plus ou moins directe des types antiques. On a pu discuter sur telle ou telle différence de détail ; dans ses grandes lignes la basilique chrétienne, il n’est pas permis d’en douter, procède des basiliques païennes, surtout des basiliques privées. Dans cette œuvre d’assimilation, de transformation, on n’a fait, comme à tant d’autres égards, que simplifier, appauvrir. L’extérieur des nouveaux édifices est nu et froid, qu’ils aient la forme d’une croix, celle d’une rotonde ou celle d’un octogone, qu’ils s’élèvent à Rome, à Ravenne ou à Milan. Des murs en briques, tout unis, sans colonnes, sans pilastres, sans ornemens, en font tous les frais. A Ravenne, dans les campaniles construits à côté des basiliques, on chercherait en vain la trace d’une idée architecturale : ce sont d’énormes cylindres, rien de plus.

Si nous pénétrons à l’intérieur, nous sommes dès l’abord frappés de la pauvreté de l’invention, du manque de cohésion et de vie. Ce faîtage en bois recouvrant des pans de murs très élevés, que supportent des arcades reposant à leur tour sur des colonnes, ces nefs latérales adossées plutôt que reliées à l’édifice principal, forment-ils bien un ensemble organique, comme les temples des anciens, comme les cathédrales romanes ou gothiques ? Je suis plutôt tenté d’y voir une juxtaposition d’élémens hétérogènes, que l’artiste n’a pas su fondre, auxquels il n’a pas su donner l’unité et l’harmonie. Les critiques ne tardent d’ailleurs pas à faire place à un