Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle vit et on l'admire de vivre. On rend hommage à sa vertu. L'état lui vient en aide. Et c'est ainsi qu'entre les deux s'établit la balance.

Au fond, toutes deux suivent la même voie parce que l'éducation des jeunes peintres et des jeunes sculpteurs se fait de la même manière. Réunis en grand nombre, ils travaillent en commun, et l'objet principal de leurs études est de plus en plus le modèle vivant. Peu à peu, l'opinion que tout réside dans une imitation plus ou moins exacte de la nature a prévalu chez les uns et chez les autres ; et la conviction qu'un morceau de peinture ou de sculpture bien fait, quelle que soit d'ailleurs sa signification et même en dehors de toute signification, est une œuvre d'art, cette conviction existe depuis longtemps dans les ateliers et gagne chaque jour du terrain au dehors. À ce compte, le but de l'art serait simplement de donner, au moyen d'une sorte de copie habile, l'idée de l'objet représenté.

Ce qui fait peut-être la supériorité de la sculpture, c'est qu'elle ne peut s'abandonner au caprice. Dans son domaine, il y a des catégories déterminées qui ont quelque chose d'absolu. La peinture ose tout et n'est tenue que par son cadre. La statue, le buste, pour ne parler que de la statuaire proprement dite, sont des formules fixes qui ont leur raison d'être et leur nécessité. On n'a pas encore trouvé autre chose, et tandis que la peinture fragmente et décompose, la sculpture reste enfermée dans ces deux modes de représentation sans y rien ajouter, sans pouvoir en sortir. On voit bien de temps en temps paraître dans certains ouvrages la prétention de changer les conditions de l'art. Mais les lois qui régissent l'ordre matériel sont immuables. L'œuvre que crée le sculpteur doit rester une construction. On voudrait bien faire des statues qui ne fussent pas des statues comme on fait des tableaux qui ne donnent pas l'idée d'un tableau. On ne peut produire que de mauvaises statues : il faut s'y résigner. Il en est de cela comme de l'architecture, qui ne saurait se dénaturer entièrement et qui doit tout au moins se tenir debout ; les lignes par lesquelles s'accuse l'équilibre sont déjà de l'ordre de la composition.

Le Salon de 1863 nous a fait assister à l'une de ces tentatives de révolte contre les lois de la statuaire. Elle était presque générale. Ce n'étaient que figures hors d'aplomb, que mouvemens désordonnés. Il est regrettable que la photographie n'ait pas été appelée à reproduire l'ensemble de ces ouvrages ; ce serait un document curieux à consulter comme le signe extrême d'une aberration. Les essais de rébellion se manifestent toujours, et ils sont particulièrement sensibles dans les bustes. On en voit beaucoup qui se présentent avec