Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Salon d’intéressans sujets d’étude comme les bas-reliefs de M. Fagel et de M. Bottée. On y remarquerait les groupes d’animaux dus à un maître du genre, M. Cain ; et, à côté, des études honorables comme l’Appel au bac de M. Tourguénef, et Chasseur, chien lévrier, par M. Chemin. Nous y verrions aussi quelques scènes de sentiment, qui semblent des émanations touchantes et lointaines de l’âme de F.-J. Millet : le Pain, groupe dans lequel M. Albert Lefeuvre a représenté une villageoise qui fait, en coupant dans sa miche, la part à deux enfans ; la Mère, premier succès de M. Devenet. Il y a aussi des morceaux parfaitement gracieux : un buste en marbre de M. Mathurin Moreau ; le Petit Giotto de M. L. Guglielmo ; le Nid, où dorment les charmans babies de M. Croisy ; et encore la Porteuse de pain, statue de M. Coutan, si joliment pétrie. Nous ne faisons que nommer ces ouvrages ; ils ne rentrent pas dans le cadre que nous nous sommes tracé. Et nous passons en espérant que, dans notre pays, il y aura toujours du sentiment et de la grâce.


N’est-il pas utile de visiter quelquefois une exposition en se donnant un sujet d’examen, en se proposant une tâche ? N’est-il pas curieux de l’apprécier un jour sous le rapport de l’étude de la nature ou de la recherche du beau ; de tenter d’y découvrir le lendemain, quelque talent amoureux du caractère et de l’expression ; de s’y demander une autre fois ce que l’on entend à présent par l’invention, ou d’aller s’y informer simplement de ce dont nous voulions nous rendre compte aujourd’hui : de la connaissance ou du souci que l’on a de l’histoire ?

Si l’on en juge par les réserves que nous avons dû faire rien qu’à cet égard, il serait à craindre que, sur les autres points, on n’eût pas lieu d’être plus satisfait. Peut-être dira-t-on que la critique n’est pas un travail de détail ? qu’elle ne doit point isoler les points de vue ? et que son œuvre consiste dans des appréciations d’ensemble et dans la balance des qualités et des défauts ? Il est très vrai que l’analyse partielle des œuvres nous rend infiniment plus sévère pour elles. Cependant nous persistons à croire qu’il fallait appeler l’attention sur l’une de nos incontestables faiblesses. S’il est un point par où la conscience intervient dans le domaine de l’art, c’est par l’étude de l’histoire. Donner un spectacle vrai du passé est devenu un devoir pour l’artiste. Les rôles seraient-ils intervertis ? L’historien ne travaille plus de la même manière qu’autrefois. Il ne se borne pas à vérifier les faits, à les ranger en bon ordre. Il les évoque, il nous les rend en chair et en os, il les fait palpiter. Ses récits sont des tableaux qui ont leur relief et leur couleur. Il nous enlève au présent et nous donne l’illusion des milieux dans lesquels il nous transporte. L’historien est un peintre ; l’histoire est une