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SOUVENIRS LITTÉRAIRES



DOUZIÈME PARTIE[1].


XXIII. — ATELIERS DE PEINTRES.

Les hommes dont j’ai parlé jusqu’à présent n’ont pas tous été mes amis, au sens absolu du mot que les usages de la courtoisie prodiguent un peu plus qu’il ne conviendrait, mais du moins j’ai entretenu avec eux des rapports fréquens dont l’aménité fut sans défaillance ; il en est d’autres que je n’ai fait que frôler à travers les hasards de la vie et qu’il ne faut pas ensevelir dans le silence. Je dois à un homme peu connu de son temps, oublié aujourd’hui, d’avoir été mis en relations avec Lamartine. Où et dans quelles circonstances ai-je rencontré Sarrans jeune ? Je ne me le rappelle plus. Sarrans jeune était un petit vieux, tout blanc, avec le nez écrasé au milieu du visage ; dans sa bouche énorme vibrait un accent toulousain que rien ne déguisait. Il avait été représentant du peuple pour le département de l’Aude à l’assemblée nationale de 1848 et il avait souvent fait retentir la tribune de ses vocables méridionaux ; fort honnête homme, du reste, et de commerce courtois. Il avait employé bien des années, sous le gouvernement de juillet, à écrire une histoire du premier empire ; au Napoléon de la paix, ainsi que les courtisans surnommaient Louis-Philippe, il avait voulu opposer le Napoléon de la guerre ; son histoire était un panégyrique : pour lui, le « Corse à cheveux plats » était l’homme du siècle, l’incarnation de la l’évolution ; il était la gloire, il était la grandeur de la France ;

  1. Voyez la Revue des 1er  juin, 1er  juillet, 1er  août, 1er  septembre, 1er  octobre, 1er  novembre, 1er  décembre 1881,15 janvier, 15 avril, 15 mai et 15 juin 1882.