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aux vœux les plus chers des populations qu’elles opprimaient : paisible et laborieuse, la plaine pardonnera toujours aisément aux rigueurs qui la débarrasseront des incursions du désert ou de la montagne.

La route suivie par Alexandre, pour se rendre avec son armée de Suse à Ecbatane ne mesurait pas moins de à 50 kilomètres. Il existait pourtant entre ces deux villes une voie infiniment plus courte et surtout plus directe, mais cette voie traversait les montagnes des Cosséens, et Alexandre n’avait pu, avec des troupes qu’il conduisait dans leurs quartiers d’hiver, songer à en user. Les rois de Perse eux-mêmes, au temps de leur plus grande puissance, ne se seraient pas impunément hasardés sur cette route s’ils n’eussent pris soin d’acheter à l’avance le passage par des libéralités qui ressemblaient fort à un tribut. Le trajet n’est devenu ni plus sûr ni plus facile aujourd’hui.

Flandin en fit l’épreuve, quand il voulut se rendre d’Hamadan à Shouster, en l’année 1839. Il lui fallut d’abord quatorze heures de marche pour gagner Kienguawer. De Kienguawer l’intrépide voyageur français tourna brusquement au sud-est ; après avoir dépassé Firouz-Abad, il s’engagea dans un défilé qui sépare les montagnes du Loristan des sommets neigeux de l’Elvend. La caravane franchit cette gorge étroite en deux heures et déboucha ainsi dans la longue et fertile vallée de Nehavend. C’est là qu’en l’année 641 de notre ère, le douzième successeur de Chosroès le Grand, Yezdigherd, succomba sous les coups d’un des lieutenans d’Omar. La vallée est bordée d’un côté par le massif montagneux d’Hamadan, de l’autre par la chaîne qui se prolonge et s’abaisse vers Shouster. Accidenté par de nombreux mamelons, le terrain est en outre coupé à chaque pas par des ruisseaux et par des marécages. Flandin eut à traverser, à très peu de distance l’une de l’autre, deux rivières qui coulaient dans des sens différens : la première descendait de l’Elvend et s’épanchait au sud ; la seconde venait du sud-est et remontait au nord. Au calcul de Flandin, on ne doit pas compter entre Hamadan et Nehavend moins de vingt-cinq heures de marche. Nehavend est une petite ville bâtie sur la pente d’une colline que couronne une citadelle. Dès qu’on l’a quittée, la vallée se rétrécit beaucoup ; elle finit même par se fermer presque complètement. L’obstacle à gravir est pourtant peu de chose et l’on ne tarde pas à pénétrer dans une vallée nouvelle. Mais ici les racines de l’Elvend et celles des montagnes du Loristan se sont tellement rapprochées qu’elles s’entrecroisent ; c’est moins une vallée qu’un long défilé qu’il faut suivre. Une rivière très sinueuse baigne le pied des monts ; on ne peut se dispenser d’en suivre pas à pas les détours. Onze heures de marche