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conduisent Flandin de Nehavend à Boroudgherd ; il ne reste plus que 222 kilomètres à parcourir pour arriver aux ruines de Suse ; la vallée du Choaspe y conduira par une pente naturelle. Malheureusement, à Boroudgherd, les voyageurs se trouvent arrêtés. Le Loristan est livré à une anarchie complète ; il faudrait une armée pour frayer la route à la caravane.

Quand on songe à l’immense intérêt qu’avaient les Macédoniens à s’assurer par cette voie un passage direct de la Médie aux plaines de la Susiane, on a peine à comprendre qu’il se soit trouvé des déclamateurs assez aveugles ou assez injustes pour blâmer Alexandre d’avoir, aussitôt que les troupes conduites à Ecbatane eurent repris haleine, fait irruption chez les Cosséens. Cette expédition, aussi périlleuse qu’indispensable, les rhéteurs l’ont appelée une chasse à l’homme ; ils n’y ont voulu voir que la fantaisie d’un souverain cherchant dans les dangers au-devant desquels il courait une distraction à son deuil et à sa douleur. Je ne souhaiterais d’autre châtiment à ces juges si sévères et si présomptueux que l’exercice du pouvoir d’Alexandre pendant une semaine. L’expédition contre les Cosséens eut lieu vers la fin de l’hiver : elle dura quarante jours. Ptolémée y prit une part importante. Toute la population mâle, si l’on en croyait certains historiens, fut passée au fil de l’épée. C’est encore là une de ces exagérations que démentent ceux mêmes qui les accréditent : si les Cosséens avaient été complètement détruits, comment expliquerait-on qu’Alexandre « eût fait élever, dans les situations les plus favorables, des villes fortes pour empêcher la nation domptée de reprendre les armes, aussitôt après le départ des troupes macédoniennes ? »

L’année fatale, l’année 323 avant Jésus-Christ, venait de s’ouvrir. Alexandre, poursuivant sa marche rétrograde, se remit en route pour gagner à petites journées Babylone. Il n’était plus qu’à 5 ou 6 kilomètres de cette ville quand il rencontra Néarque. Le chef de la flotte, après avoir descendu le Pasitigre, s’était une seconde fois acheminé le long de la côte du Golfe-Persique, pour rentrer dans l’Euphrate. Des navires d’un plus fort tonnage que les siens se trouvaient déjà rassemblés sous les murs de Babylone : on les avait construits dans les divers ports de la Phénicie ; démontés et transportés ainsi, à dos de chameau, jusqu’à Thapsaque. Avec le renfort venu de la côte syrienne la flotte de Néarque se composait de deux quinquérèmes, trois quadrirèmes, douze trières et trente triacontores. Toute la pensée d’Alexandre appartient dès lors à la mer. Héraclide est envoyé en Hyrcanie pour y construire, avec les bois dont le pays abonde, des vaisseaux longs en partie pontés, comme les bâtimens grecs. Cette flottille, distincte de la grande flottille de