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IMPRESSIONS DE VOYAGE

I.
ALEXANDRIE ET LE CAIRE.


30 novembre.

À six heures, le capitaine nous fait éveiller, car nous arrivons une heure plus tôt qu’il ne l’avait prévu, et quand je monte sur le pont, nous sommes déjà en rade. Je suis un peu désappointée de cette première vue d’Afrique. À peine quelques minarets, de grandes maisons blanches et roses, quelques palmiers, des moulins à vent, le ciel pâle et délicat : peu d’éclat et d’effet. Le navire s’arrête, et nous sommes assaillis par une vraie horde de sauvages, dont les barques nous entourent depuis un moment. Je n’avais rien imaginé de pareil à cette foule d’hommes, agiles comme des chats, dans les costumes les plus variés, grimpant les uns sur les autres, criant, hurlant, escaladant par les cordages, par le bord, puis s’emparant de tout ce qu’ils trouvent. La confusion est inouïe, et nos bagages étant un peu à fond de cale, nous avons le temps de jouir de la presse des autres. Nous avons grand’peine à les réunir et à les faire mettre sur une seule barque après nombre de viremens périlleux. Un vieux patriarche, à turban blanc, avec une robe bleue, gilet et pantoufles jaunes, une longue barbe grise et une canne à la main, s’empare de la botte à chapeau et ne veut plus la quitter ; les malles, descendent, je ne sais comme, sur la tête, sous la tête