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où elles ne font que prendre une forme plus subtile sans que le fond change. Subtiliser une difficulté, ce n’est point, vraiment la supprimer. Si vous coupez un aimant en deux avec l’espoir de faire disparaître la dualité des pôles, vous serez déçu, car vous retrouverez encore vos deux pôles dans chaque fragment. Vous auriez beau arriver à des fragmens indivisibles pour nos yeux, à des unités apparentes, ces fragmens seraient encore polarisés, ils seraient doubles. Telle est l’unité prétendue de la théologie ; si elle paraît une, c’est que l’œil de l’esprit finit par perdre la vision distincte des choses au milieu des entités. En croyant franchir, comme dit M. Ravaisson, a les bornes de la nature et de l’humanité, » la théologie y demeure en réalité enfermée, immanens. Au lieu de remplacer, dans l’équation à résoudre, les inconnues par des valeurs connues, elle ne fait que porter le problème plus haut, elle transpose pour ainsi dire le même air dans un ton si aigu que nos oreilles ont peine à percevoir les relations des sons. Il y a plus, ces relations mêmes s’altèrent et se faussent. En d’autres termes, on n’aboutit pas seulement à des notions plus abstraites, on aboutit, à des rapports contradictoires entre ces notions : à une unité multiple, à une immutabilité enveloppant le devenir, à une action parfaite dont le résultat est imparfait, etc. Tautologie ou contradiction, tel est le dilemme dont aucune théologie n’a réussi à sortir. Et ce dilemme est logiquement inévitable. Dans le domaine de la science, en effet, on explique une chose par une autre qui, sans être ni identique ni absolument contraire à celle qu’il s’agit d’expliquer, nous est connue par expérience comme différente ; dans la théologie, ne pouvant connaître directement les attributs positifs et différentiels du principe surnaturel et surhumain, nous sommes réduits à nous le représenter d’après la nature et l’humanité, ou comme simplement semblable, ou comme simplement contraire ; c’est donc une inconnue x affectée d’un signe soit négatif, soit positif. Dans le premier cas, nous nions de la cause suprême ou unité suprême tout ce qui appartient à la nature et à l’humanité, et alors ; nous n’avons plus qu’une notion vide de pur absolu ; dans le second, nous nous contentons de transporter dans la cause suprême la nature et l’humanité, par exemple quand nous l’appelons l’amour absolu, la moralité absolue ; non-seulement alors le problème n’est pas résolu, mais il devient insoluble en ses termes mêmes, par la contradiction de l’existence absolue et des attributs relatifs, termes entre lesquels il n’y a aucun milieu.

Serons-nous plus heureux en nous appuyant sur le principe de finalité que sur celui de causalité ? De même que la tendance et l’effort impliquent une cause, de même, selon M. ftavaisson, ils impliquent une fin. Or tendre à une fin, c’est vouloir ; vouloir, c’est