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les habitans du voisinage pendant qu’on se mettait soi-même à l’abri de l’explosion qu’on avait préparée. Les détenus ne furent sauvés que parce qu’ils avaient été ce jour-là consignés dans leurs cellules. La police rechercha fiévreusement les auteurs de cet abominable attentat. Elle ne mit certainement pas la main sur les chefs véritables du complot ; elle découvrit seulement quelques-uns des agens subalternes. L’un d’eux, Barrett, fut condamné comme ayant mis le feu au baril de poudre. Il avait plaidé un alibi avec beaucoup d’énergie. Il fut pendu le 26 avril 1868. Ce fut la dernière exécution motivée par le fenianisme ; ce fut aussi la dernière exécution publique, une loi ayant décidé que, désormais, les condamnés seraient mis à mort dans l’intérieur de leur prison.

Pendant que le crime de Clerkenwell, en déshonorant le fenianisme, enlevait à la cause irlandaise une partie des sympathies dont elle était entourée, un homme se faisait sur ce grave sujet une opinion toute différente de celle qui dominait dans le monde politique anglais. M. Gladstone, sans excuser un crime aussi froidement atroce, estimait cependant qu’il fallait y voir une conséquence du désordre moral provoqué chez les Irlandais par de longues années de mauvaise administration et de gouvernement tyrannique. Il en arrivait à penser, comme M. Bright, que l’Angleterre était responsable, dans une certaine mesure, des attentats dirigés contre elle et qui soulevaient son indignation. L’opinion de M. Gladstone en cette matière, opinion nouvelle chez lui et dont il n’avait pas encore fait part au public, avait d’autant plus d’importance que l’ancien lieutenant de Robert Peel, par suite de diverses circonstances, avait fini par devenir le chef reconnu du parti libéral. William Ewart Gladstone était entré dans la chambre des communes en 1832, par la protection du duc de Newcastle, qui l’avait fait nommer député de Newark. Il siégeait alors sur les bancs du parti conservateur, tandis qu’Edouard Stanley, le futur lord Derby, faisait partie du ministère libéral ; trente-cinq ans plus tard, les rôles devaient se trouver renversés. Jeune, ardent, plein d’éloquence, il fut pris en amitié par Robert Peel, qui le fit junior lord de la trésorerie et sous-secrétaire d’état des colonies dans le court ministère de 1834-1835 et qui le reprit en 1841 comme vice-président du bureau de commerce et comme directeur de la monnaie. En 1843, il était président du bureau de commerce et membre du cabinet ; en 1845, ministre des colonies. D’une puissance de travail remarquable, il fut le plus utile collaborateur du premier ministre dans toutes les questions si complexes soulevées par la révision des tarifs douaniers et par la réforme des lois sur le commerce des grains. À cette époque, il dit adieu aux électeurs de Newark, dont il ne représentait plus les opinions