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ultra-conservatrices et se fit élire député par l’université d’Oxford, dont il avait été l’élève, et qui était glorieuse de lui. Après la mort de Robert Peel il conserva quelque temps une situation intermédiaire entre les conservateurs et les libéraux. Il refusa d’entrer dans le cabinet Derby en 1852, fut ministre des finances, la même année, dans le cabinet de coalition formé par lord Aberdeen, conserva ce poste sous lord Palmerston, le quitta après le vote de l’enquête proposée par M. Roebuck à propos de l’expédition de Crimée, le reprit enfin, lors de la formation du second cabinet Palmerston, en 1859, au moment de la guerre d’Italie. A partir de ce moment, il fut officiellement compté comme appartenant au parti libéral. Tant que vécut Palmerston, il se tint au second plan : merveilleux ministre des finances, préparant, exposant, défendant un budget comme personne ne l’avait su faire depuis les grands jours de Pitt et de Peel ; en politique, se soumettant à la discipline du parti, ne s’insurgeant pas contre le chef du cabinet, mais défendant toujours les thèses les plus libérales, et par une évolution continue se rapprochant peu à peu des chefs du groupe radical au point de devenir leur espoir et leur idole. Dans les jours de sa jeunesse, alors qu’il était tout imprégné des doctrines qui dominaient à l’université d’Oxford, il avait publié sur les relations entre l’église et l’état un livre que Macaulay critiqua vertement. L’alliance traditionnelle du trône et de l’autel y était préconisée en termes que n’auraient pas désavoués les tories les plus ardens. M. Gladstone a changé depuis ; c’est son droit. Ses adversaires se donnent quelquefois le malin plaisir de lui citer les déclarations les plus compromettantes de son malheureux livre : c’est aussi leur droit.

Palmerston était mort en 1865 ; Russell était vieux, il s’était d’ailleurs réfugié depuis plusieurs années dans le calme atmosphère de la chambre des lords. Gladstone restait, dans la chambre des communes, le chef incontesté du parti libéral. Son heure était venue. La génération des hommes d’état de 1830 achevait de disparaître. Lord Derby, après avoir organisé le cabinet conservateur de 1866 et l’avoir dirigé pendant deux ans, venait de se démettre de ses fonctions de premier ministre en faveur de Disraeli. Gladstone voyait donc à la tête du gouvernement son plus redoutable adversaire, le seul homme qui fût de taille dans la chambre des communes à se mesurer avec lui. La question irlandaise allait fournir aux deux rivaux l’occasion de se prendre corps à corps.

Le 16 mars 1866, un député irlandais, M. Maguire, était venu soumettre à la chambre des communes une série de résolutions sur la situation de son pays. Le débat qui s’engagea à ce sujet prit des proportions considérables. M. Maguire n’était pas le premier venu.