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prononce tout de suite et nettement le mot de droit du fermier : tenant right. Là où ce droit existe, comme dans l’Ulster, elle se contente de le reconnaître, de le sanctionner, de lui donner force législative et caractère juridique. Là où il n’existe pas, là du moins où il est méconnu, contesté, la loi l’établit et l’organise. Le droit du fermier peut s’exercer de deux manières principales : ou par la cession de son intérêt à un fermier nouveau qui lui paie son bon gré, ou par une indemnité qu’il réclame et qu’il obtient du propriétaire. Cette indemnité, d’autre part, est infiniment plus large que dans le système de la loi Cardwell. D’après le législateur de 1870, l’indemnité est accordée non-seulement pour les améliorations faites du consentement du propriétaire, mais même pour les améliorations faites contre son gré ; elle est accordée enfin, en dehors de toute question d’amélioration, par le seul fait que le propriétaire renvoie sans raison le fermier. C’est ce que la loi appelle l’indemnité pour trouble de jouissance. Ainsi deux voies sont ouvertes au propriétaire pour se débarrasser du fermier, il peut l’autoriser à vendre son bon gré à un nouveau fermier ; dans ce cas, le propriétaire ne doit rien à l’ancien fermier, qui se trouve payé ; ou bien le propriétaire peut s’opposer à la vente du bon gré, mais dans ce cas c’est lui qui est obligé d’indemniser le fermier sortant. Dans un cas comme dans l’autre, il y a un démembrement de la propriété en faveur du fermier. On estime que la réforme de 1870 a réduit de près de 20 pour 100 la valeur de l’ensemble des grands domaines irlandais. Aussi les adversaires de cette réforme la considèrent-ils comme une confiscation déguisée. Ils lui adressent un autre reproche, c’est de n’avoir pas fait cesser la lutte entre les propriétaires et les fermiers. Si, en effet, moyennant le sacrifice de 1/5 de leurs revenus, les grands propriétaires irlandais s’étaient vu assurer la paisible jouissance des quatre autres cinquièmes, ils se seraient consolés de ce sacrifice. Malheureusement la loi, en plaçant pour ainsi dire deux propriétaires en face l’un de l’autre, en leur donnant des droits sinon égaux, du moins analogues, ne les a pas réconciliés, au contraire. Elle les a mis en état d’hostilité permanente. Nous verrons tout à l’heure les conséquences de ce regrettable état de choses.

L’activité réformatrice du cabinet Gladstone n’est cependant pas épuisée par les deux grandes mesures qu’il vient de faire voter. De 1870 à 1873, le premier ministre et ses collègues s’attaquent tour autour à toutes les questions, examinent l’une après l’autre toutes les branches de l’administration, font succéder les réformes aux réformes et les projets de lois aux projets de lois. En 1870, établissement d’un système général d’enseignement pour l’Angleterre et le pays de Galles ; création de commissions scolaires électives, où les