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allemands (gymnases classiques ou écoles réelles), qui ne connaissent qu’à l’état de très rare exception ce déplorable régime. Débarrassés de tous les soucis d’ordre inférieur et matériel, les directeurs de ces établissemens peuvent tourner tous leurs efforts vers le seul bien des études. Ils prennent part à l’enseignement en même temps qu’ils le dirigent. Ils sont à la fois les collègues et les chefs des professeurs ; ils ont les mêmes intérêts et se placent naturellement au même point de vue pour les comprendre. Leur autorité est ainsi plus grande et plus aisément respectée. Ils se recrutent sans peine parmi les meilleurs maîtres, tandis que chez nous il serait souvent très périlleux de confier à un excellent professeur la direction d’un collège. Enfin ils peuvent avoir, dans le choix de leurs auxiliaires et dans l’organisation de l’enseignement, une initiative que nous laisserions difficilement à nos proviseurs, en qui nous devons surtout chercher d’habiles maîtres de pension. Chaque collège allemand a ainsi sa physionomie propre, son personnel à lui et une large autonomie. En France, le régime est partout le même : tout vient du centre, programmes et fonctionnaires. Les mutations dans le personnel administratif ou enseignant peuvent être fréquentes sans troubler trop sensiblement la marche des classes, mais aussi sans apporter de sérieux élémens de progrès. Les réformes ou les prétendues réformes sont des révolutions scolaires accomplies en un seul jour, dans tous les établissemens d’enseignement secondaire, sur tout l’ensemble du territoire.

M. Bréal est tellement pénétré des défauts de l’internat qu’il est porté à les exagérer. Il les exagère dans le tableau qu’il fait de la condition matérielle de nos lycées, qu’il peint beaucoup trop en noir. Il les exagère également dans les conséquences qu’il attribue à notre goût invétéré pour ce mode d’éducation. Il lui impute les « proportions colossales » de quelques-uns de nos lycées. L’installation d’un internat exigeant des frais considérables, nous aimons mieux agrandir outre mesure un lycée déjà trop peuplé, dussions-nous y multiplier les divisions d’une même classe, que de créer des lycées nouveaux pour un nombre croissant d’élèves. M. Bréal oublie que le plus peuplé des lycées de Paris, celui qui a reçu dans ces dernières années les agrandissemens les plus énormes, est le lycée Fontanes, qui n’a que des externes[1]. Les raisons d’économie qui font préférer un lycée agrandi à un nouveau lycée sont indépendantes de la question des internats. S’il faut une installation

  1. D’après le rapport présenté au conseil supérieur de l’instruction publique par M. Gréard, vice-recteur de l’académie de Paris, le lycée Fontanes comptait à la rentrées des classes, en 1880, 1,631 élèves. Venaient ensuite le lycée Louis-le-Grand avec 1,376 élèves et le lycée Charlemagne, autre lycée d’externes, avec 1,009.