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en plusieurs années ; mais des certificats d’inscription, séparés par des intervalles fixes, attestent des études régulières. Les ressorts des jurys d’examen sont d’ailleurs parfaitement déterminés, et nul candidat ne peut sortir, sans une permission spéciale, de celui qui lui est assigné. Pour le baccalauréat, un examen divisé en deux parties, dont chacune comprend deux ou trois compositions et des interrogations de moins d’une heure, est l’unique constatation des résultats de neuf années d’études sur les matières les plus variées. C’est peu pour un tel objet, c’est peu surtout pour l’intérêt social que représente un examen qui seul ouvre l’entrée des professions libérales et de la plupart des fonctions administratives. Les examinateurs offrent les plus hautes garanties de savoir et d’impartialité ; mais que peuvent-ils contre cette masse énorme de candidats mal préparés qui, chaque année, pendant plusieurs semaines, les enlèvent à leurs leçons, et à leurs travaux personnels ? On ne peut les accuser d’une indulgence excessive puisqu’ils écartent près de la moitié des candidats. Ils ne pourraient se montrer plus sévères sans entraver le recrutement des carrières qui dépendent du baccalauréat. Et cependant ils sont les premiers à déclarer que la différence ne leur parait pas très appréciable entre beaucoup de ceux qu’ils admettent et beaucoup de ceux, qu’ils refusent. Ils ne sont pas même certains que leur jugement soit entièrement juste, car il faut faire une large part au hasard dans un examen de cette étendue, réduit à des épreuves aussi sommaires. Ils ne peuvent pas enfin se dissimuler les avantages qu’un tel examen laisse à la préparation artificielle au détriment des bonnes études. Le vrai professeur ne s’occupe pas de l’examen ; il ne considère que la valeur propre des diverses parties de son enseignement et le profit qu’en peuvent retirer ses élèves pour la formation et le développement de leur esprit. Le préparateur habile n’a devant les yeux que le programme des examens. Il écarte tout ce qui n’est pas strictement compris dans ce programme, il s’enquiert de la façon dont l’appliquent les examinateurs et il y accommode ses leçons. Il sait les préférences, les habitudes d’esprit, les formes d’interrogation, la moyenne des exigences de chaque examinateur ; il est expert dans certains calculs de probabilités dont le succès constant le met en grand ; honneur près des candidats et de leurs familles[1].

Les établissement les plus sérieux, sous peine de perdre leur clientèle, ne peuvent se soustraire entièrement à l’imitation de ces

  1. Nous avons vu des tours de force vraiment prodigieux dans ce genre. Dans une ville de province, centre d’examens pour le baccalauréat, un préparateur devinait à coup sût dans quel cercle de cinq ou six textes serait choisie la version donnée à chaque série d’examens.