Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pratiques. Ils sont d’autant plus forcés de se préoccuper du baccalauréat qu’ils y voient la seule sanction des études pour la très grande majorité de leurs élèves. Les plus jeunes, que le baccalauréat laisse encore indifférens, ne sont pas stimulés au travail par de sérieux examens de passage. Les plus âgés, à mesure que le but se rapproche, ne voient que lui. Il leur faut, dans les classes supérieures, réparer les lacunes qu’ont laissées les premières classes. Comment pourraient-ils s’approprier ce qu’il y a de fécond pour l’esprit dans les enseignemens propres de la rhétorique et de la philosophie quand ils ont besoin de refaire tant bien que mal leur cinquième ou leur quatrième ? Et ce qu’il y a de pire, c’est que le niveau auquel s’arrêtent forcément les élèves médiocres n’est guère dépassé par les plus intelligens. Telle est, pour tous les élèves de L’enseignement secondaire et pour leurs parens, l’importance du baccalauréat, que l’ambition scolaire ne vise pas plus haut que la possession du diplôme. On affecte dès quinze ans le dédain des prix ; on se déclare même indifférent aux bonnes notes qui peuvent relever le niveau de l’examen ; on ne tient qu’à être reçu, fût-ce même « à la botte, » comme disent les écoliers dans leur jargon, c’est-à-dire à la dernière limite de l’indulgence.

Les candidats aux grandes écoles font seuls exception. Ils sentent le besoin de fortes études, mais ils ne le sentent que dans la mesure où de fortes études peuvent assurer le succès de leurs examens spéciaux. Tout d’abord ils tiennent à se débarrasser le plus tôt possible des classes ordinaires pour se consacrer tout entiers à la préparation de ces examens. Ce sont leurs exigences à cet égard qui ont toujours empêché l’Université de reculer à dix-huit ans la limite d’âge pour le baccalauréat et de la mettre ainsi mieux en rapport avec le développement si considérable qu’ont pris depuis cinquante ans les programmes de l’enseignement secondaire. La limite de seize ans paraît elle-même trop rigoureuse ; des dispenses sont sans cesse demandées et trop souvent accordées dans l’intérêt ou sous le prétexte de la préparation à l’École polytechnique. Dès qu’un enfant montre une intelligence un peu vive et une certaine application au travail, des parens imprudens rêvent pour lui la grande école ; on se hâte de le mettre au collège, on lui fait, si l’on peut, passer une ou deux classes ; on est fier d’avoir un rhétoricien de quatorze ans, un philosophe de quinze ; le baccalauréat est conquis sans la maturité d’esprit, sans la sérieuse assimilation de connaissances de toutes sortes dont il devrait être la constatation ; puis de nouveaux efforts non moins prématurés sont faits pour les études les plus abstraites et, à vingt ans, soit qu’on ait atteint le but, soit qu’on l’ait manqué, l’esprit et le corps sont également énervés par ce