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de les inventer. A plus forte raison, l’état doit-il s’abstenir de créations de ce genre pour les filles. Nul intérêt ne les appelle ; car les familles trouvent pour leurs filles beaucoup plus aisément que pour leurs fils un grand nombre de pensionnats, laïques ou congréganistes, accessibles aux moyennes comme aux grandes fortunes, et ces établissemens se multiplieront encore quand ils pourront se décharger des frais d’instruction en envoyant leurs pensionnaires aux cours des nouveaux collèges. L’éducation n’est pas sans doute, dans la plupart d’entre eux, telle que la souhaiteraient les libres esprits qui ont à cœur de soustraire les femmes aux influences cléricales. C’est à eux de susciter, par leur initiative ou par leurs encouragemens, des institutions où domine une éducation différente. L’état ne satisferait personne en se chargeant d’une telle œuvre. Il alarmerait les consciences religieuses sans remplir les vœux des libres penseurs. Il rencontrera enfin, à quelque point de vue qu’il se place, dans les soins de tout genre et d’un ordre si délicat que réclament les jeunes filles, des difficultés infiniment plus grandes que celles qui ont paralysé ses meilleures intentions dans l’éducation des garçons. Puisqu’il a eu la sagesse relative de n’admettre que des internats facultatifs, il fera bien de ne jamais user de la faculté qu’il s’est réservée. Que les villes instituent, à leurs risques et périls, des internats de jeunes filles, c’est leur droit ; qu’elles obtiennent même, pour ces établissemens, des subventions des départemens et de l’état, sous forme de bourses ou autrement, c’est une faveur qui peut se recommander par des intérêts plus ou moins légitimes ; mais que l’état ne prenne à aucun degré la responsabilité des internats ; qu’il ne les accepte pas comme des annexes de ses lycées et surtout qu’il ne les admette pas dans les mêmes bâtimens ; que le lycée de jeunes filles, dégagé de tout compromis avec un pensionnat quelconque, municipal ou privé, se fasse honneur de son seul enseignement et, par l’impartialité comme par le caractère élevé de cet enseignement, mérite la confiance d’une clientèle d’élite, soit parmi les familles, soit parmi les pensionnats groupés autour de lui : voilà dans quelles conditions la nouvelle institution pourra porter tous ses fruits.

Dans les programmes eux-mêmes, un seul point a pu être signalé aux alarmes des familles : c’est l’enseignement de la morale. Par un contraste singulier, où nous trouvons une nouvelle preuve de l’inconséquence des partis politiques, la défiance qu’un tel enseignement a inspirée de deux côtés opposés, quand il a pris place dans l’instruction primaire, ne s’est manifestée que d’un seul côté dans l’instruction secondaire des filles. Les mêmes partis qui ont repoussé, au nom de la liberté de conscience, toute intervention de l’idée de