SOUVENIRS LITTÉRAIRES
TREIZIÈME PARTIE[1].
Je n’ai vu Alfred de Musset que deux fois. De tous les hommes célèbres dont j’ai été le contemporain, c’est celui que j’aurais le plus aimé à connaître ; mais le hasard ne nous mit pas en rapport et je n’eus avec lui que deux contacts qui sont restés présens à ma mémoire. La première fois que je l’aperçus, c’était dans une réunion provoquée en son honneur dans une maison où le monde officiel, les artistes et les écrivains se rencontraient. Alfred de Musset y était patronné, si je ne me trompe, par Hippolyte Fortoul, alors ministre de l’instruction publique. On avait donné quelque solennité à cette soirée. Musset y devait lire le Songe d’Auguste, pendant que Gounod, assis au piano, jouerait une symphonie destinée à accompagner les vers du poète. Ce fut assez triste ; on entendait une poésie de commande, et les « murmures approbateurs » étaient de ceux que les gens bien élevés ne refusent pas. Les vers étaient d’Alfred de Musset, nous le savions ; ils eussent été de Ponsard, on n’en aurait pas été surpris. Il reçut les complimens d’un air contraint ; il était mal à l’aise et en méfiance. Le milieu le troublait ; à côté de quelques-uns de ses confrères de l’Académie française, il y avait
- ↑ Voyez la Revue des 1er juin, 1er Juillet, 1er août, 1er septembre, 1er octobre, 1er novembre, 1er décembre 1881,15 janvier, 15 avril, 15 mai, 15 juin et 15 juillet 1882.