Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/788

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une petite plaine qui paraît riante et fertile ; puis, après quelques kilomètres, elles se rapprochent en s’abaissant, et finissent par se rejoindre de manière à former une sorte de demi-cercle. Corneto occupe l’extrémité de celle qui est la plus rapprochée de la mer ; Tarquinies était bâtie sur l’autre, juste en face de Corneto.

Tarquinies était l’une des plus grandes cités et des plus importantes de l’Étrurie. Son mur d’enceinte avait 8 kilomètres de tour. C’est là, dit-on, qu’au Ier siècle de Rome, le Corinthien Demarate vint s’établir, apportant toutes ses richesses, et amenant, avec sa famille et ses cliens, quelques-uns des artistes distingués de la Grèce. Quand la guerre éclata entre l’Étrurie et les Romains, c’est Tarquinies surtout qui en soutint le poids. Ses habitans défendirent courageusement leur indépendance, et Rome ne put tout à fait la soumettre qu’après avoir massacré à la fois toute son aristocratie. En perdant sa liberté elle dut perdre beaucoup de son importance. Cependant Cicéron l’appelle encore « une ville très florissante. » Comment s’est-il fait qu’elle ait disparu plus tard tout entière pour revivre à un autre endroit et sous un autre nom ? Nous ne le savons que fort imparfaitement ; mais ces sortes de vicissitudes paraissent être dans les destinées des villes étrusques : elles ont eu des fortunes très diverses, et il y en a plusieurs auxquelles il est arrivé de mourir et de renaître. On se l’explique quand on songe au pays qui les entoure ; ce pays est à la fois attrayant et redoutable, fertile et empesté : c’est la Maremme


Dilettevole molto e poco sana,


comme dit un poète du XIVe siècle. Elle n’a pas l’air désolé de la campagne romaine, quoiqu’elle soit aussi terrible à habiter. La végétation y est vigoureuse dans les plaines ; les collines sont couvertes de bois de chêne-liège, de lentisques, de caroubiers. « Combien de fois, dit M. Noël des Vergers, cherchant sous la végétation luxuriante des forêts les traces de la nation mystérieuse qui peupla ces déserts, et trouvant tant de preuves de son séjour ne me suis-je pas pris à douter que ces bois parfumés, ces pâturages, cet air doux et tiède puissent receler les maladies et la mort ! Il fallait, pour me convaincre, la rencontre fortuite de quelques rares habitans, dont les traits amaigris, les yeux mornes, le teint jaune, le ventre ballonné, disent toutes les souffrances mieux que ne saurait le faire le récit le plus éloquent. » Pour rendre ce pays habitable, il fallait d’abord l’assainir ; les Étrusques l’avaient fait. Il n’y a pas de doute qu’ils n’eussent desséché les marais, donné un meilleur écoulement aux rivières. Pline l’Ancien admire les travaux hydrauliques qu’ils avaient