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fera pour lui aussi belles, aussi exactes que possible. Il faut que cet œil qu’on ne croit pas entièrement éteint puisse avoir en les regardant l’illusion de la vie. Voilà, si je ne me trompe, comment on prit l’habitude de peindre dans les tombeaux des scènes si animées et si joyeuses.

Ces scènes, précisément parce qu’elles sont fidèles, ont l’avantage de nous jeter au milieu de la vie des Étrusques. Nous les voyons comme ils étaient cinq ou six siècles avant notre ère, au moment où commence la république romaine. Nous devinons leurs goûts et leurs habitudes, l’existence qu’ils menaient ordinairement et les occupations qu’ils préféraient. Évidemment ce n’était pas la guerre. On a remarqué qu’elle ne figure jamais dans les tombes de Tarquinies. On y trouve à la vérité quelques guerriers, mais revêtus d’armes si brillantes, couverts d’ornemens si coquets qu’on voit bien qu’ils sont plutôt prêts pour la parade que pour le combat. Si la guerre est absente de ces tableaux où les artistes aimaient à peindre ce que les Étrusques aimaient à voir, c’est la preuve que les Étrusques n’avaient pas de goût pour la guerre. Toute l’antiquité leur a reproché leur mollesse, et le doux Virgile lui-même n’a pu se défendre de les maltraiter. Il suppose qu’un de leurs chefs qu’ils abandonnent dans une bataille leur adresse ces mots cruels : « A quoi vous sert donc votre épée et que faites-vous de ces traits que vous tenez dans la main ? Vous n’avez de cœur que pour le plaisir ; vous n’êtes braves que dans les luttes de la nuit. Écoutez : la flûte recourbée annonce les fêtes de Bacchus ; préparez-vous aux festins qui s’apprêtent, tendez la main vers les coupes pleines., Voilà ce que vous aimez ! voilà vos exploits habituels ! » Les peintures de Corneto, il faut l’avouer, montrent que ces reproches ne sont pas sans fondement. Elles nous donnent l’idée d’une société riche et qui veut jouir de sa fortune. On y aime avec passion le bien-être et les arts ; la vie s’y passe joyeusement, les mœurs n’y sont pas austères. Les femmes assistent aux festins avec les hommes, ce qui ne fut permis à Borne que très tard. Les premiers personnages prennent part sans scrupule aux chœurs de danse ; ils veulent même qu’on le sache, comme si c’était une action d’éclat, et dans les fresques où ils figurent, ils font écrire leur nom au-dessus de leur tête. Ce sont donc des portraits que nous avons sous les yeux, et quoique l’original n’existe plus, on voit bien qu’ils devaient être ressemblans. Hommes et femmes nous apparaissent dans leurs attitudes ordinaires, avec les vêtemens mêmes qu’ils portaient et que l’artiste a minutieusement reproduits. Ces détails de costume auxquels nous sommes tentés d’abord de faire peu d’attention ne doivent pas être négligés, et les travaux de M. Helbig montrent le profit qu’on trouve à les