Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/860

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assez promptement à leur fantaisie, que parce qu’ils n’arment point à l’acheter par une sujétion qu’ils regardent comme une bassesse. On a vu, par les actions des armateurs de Dunkerque et des régimens de Soire et de Robeck pendant la guerre, que les Flamands ne le cédaient en valeur à aucune nation de l’Europe. « Enfin je note ce qui est dit des femmes. « Les femmes y sont belles et blanches, mais leur beauté se passe aisément ; elles ont plus d’esprit et de bonnes qualités que les hommes : elles sont sages tant par le tempérament que par le peu de talens et d’attachement des hommes. La vue d’un établissement les mène quelquefois trop loin, mais le mariage y opère si bien qu’il fait toujours une femme vertueuse d’une fille coquette. Aussi les maris n’y sont point jaloux. Les femmes qui font la plus grande partie de leurs affaires de maison jouissent d’une entière liberté, prenant part aux festins de leurs maris et buvant aussi bien qu’eux. » L’intendant termine par d’intéressans détails sur les qualités économiques et sur le goût des fêtes : « Ils sont aussi sobres dans leur domestique que passionnés pour la bonne chère en compagnie. Mais surtout ils sont louables de ce qu’ils proportionnent toujours leurs dépenses à leurs revenus, ne se faisant point d’affaire de diminuer leurs trains et équipages quand leurs rentes diminuent, et l’on peut dire qu’il y aurait eu bien des familles réduites à la mendicité pendant la guerre sans cette ressource. Au reste, ils sont tous, hommes et femmes, grands amateurs de fêtes publiques ; chaque ville et chaque village a la sienne qui dure huit jours ; c’est ce qu’on nomme kermesses. L’ouverture s’en fait par une procession du saint sacrement, où l’on ne manque jamais de voir des représentations de géans, de grands poissons de saints, de diables. Le paradis, l’enfer, tout cela marche en cortège par la rue et fait le divertissement général du public. »

Solide et sensé chez le paysan, l’esprit flamand est moins capable peut-être de s’affiner que celui d’autres habitans du nord de la France, il reste ce qu’il est originairement jusque dans les hautes études libérales. C’est le même génie patient qui trace son sillon avec profondeur chez ces jurisconsultes d’une puissance robuste dans leur subtilité même, posant sans fléchir le fardeau d’un savoir immense, comme un Merlin, de Douai, chez de savans naturalistes ou chimistes acharnés à leur œuvre, et chez ces agronomes qui mettent leur énergie persévérante à drainer et à cultiver leur sol. Ce judicieux esprit flamand n’exclut pas les goûts et les aptitudes artistiques. On rencontre fréquemment l’amour inné du dessin et de la couleur chez de jeunes campagnards, dans ce pays qui vit naître Watteau. La population des villes flamandes se porte vers les tableaux, les musées, de tout genre. Le paysan est plus sensible que le