Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

composait d’un fossé peu profond couronné de remparts de boue ; la moindre inondation vint souvent balayer à la fois les murailles et la ville. Ce ne fut que plus tard, très probablement sous les rois grecs de la Bactriane, que les Alexandries de l’Arachosie et de la Drangiane, les Bucéphales et les Nicées de l’Inde, prirent le développement qui leur mérita urne mention honorable dans les traités de géographie de Strabon et de Ptolémée. Ce réseau de camps retranchés n’en fut pas moins d’une immense utilité à l’expédition ; il lui fournit une base de ravitaillement excellente et prévint les levées de boucliers qui, sans cette précaution, se seraient infailliblement produites sur ses derrières.

Diodore de Sicile raconte qu’Alexandre accorda trente jours de repos à ses troupes après la bataille de l’Hydaspe. C’était assurément le moins qu’il pût faire au sortir des fatigues qui précédèrent cette importante journée. La trêve dut cependant coûter quelque peu à son impatience. ; car non-seulement Alexandre était, dès ce moment, résolu à pousser ses conquêtes jusqu’aux bords de l’Hyphase, mais il est bien certain qu’il couvait aussi le dessein de passer au-delà des cinq rivières du Pendjab et de ne pas s’arrêter avant d’avoir touché les rives lointaines du Gange, de ce grand fleuve dont il entendait pour la première fois prononcer le nom, fleuve, assuraient les habitans du Pendjab, plus considérable que l’Indus et aboutissant, comme l’Indus, a La mer. Là vraisemblablement finissait le monde, là on verrait, — récompense bien digne d’un si long labeur, — la mer d’Hyrcanie joindre ses flots à ceux du Golfe-Indien. On sait en effet que, dans les idées des Grecs, l’Océan était une ceinture qui enveloppait la terre de toutes parts. Burnes, un des premiers, a rectifié les notions que, sur la foi d’Aristobule et de Mégasthène, Strabon et Arrien avaient inculquées aux géographes d’Alexandrie et aux cosmographes arabes : « Le volume d’eau de l’Indus, dit-il, est quatre fois plus considérable que celui du Gange, au moins dans la saison sèche. L’Indus égale presque le grand fleuve américaine le Mississipi. Il est vrai qu’il traverse un pays comparativement aride et désert, peu peuplé, pauvrement cultivé, tandis que le Gange répand ses eaux en irrigations et donne aux populations fixées sur ses rives d’exubérantes moissons. La largeur de l’Indus dépasse rarement 800 mètres ; le Gange, dans certaines parties de son cours, ressemble à une mer intérieure. D’une de ses rives, où distingue à peine l’autre. »

Qui n’a pas vu Jumna et le Gange ne peut se faire qu’une idée imparfaite de la richesse du territoire indien, mais nul conquérant ne s’est jusqu’ici hasardé à franchir l’Hyphase et l’Hesudrus, tant qu’il lui restait quelque portion du pays des cinq eaux à soumettre : Alexandre n’était pas homme à méconnaître cette obligation