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professeur dans ce collège. Il m’a assuré que cette institution, aux cours de laquelle les étudiantes sont seules admises, donnait de très bons résultats. Celles qui sortent après avoir obtenu leur diplôme trouvent généralement à s’employer comme médecins dans les collèges de jeunes filles, dans les couvens ou dans d’autres institutions exclusivement féminines. Cependant quelques-unes ont, tout comme les médecins de l’autre sexe, leur clientèle en ville, et celui qui me renseignait m’a cité une de ses confrères qui gagnait ainsi près d’une centaine de mille francs par an à soigner des femmes et des enfans.

Le programme de la journée comportait pour finir un bal à nous donné par la première troupe de cavalerie de la cité de Philadelphie (c’est son nom officiel), dans sa caserne et dans son manège, fort élégamment disposé et transformé à cet effet. La première troupe de cavalerie de la cité de Philadelphie a une existence plus que centenaire, et, si son uniforme soigneusement conservé ne date pas tout à fait d’aussi loin, il ne s’en faut guère, car il a été manifestement copié sur la tenue des dragons du premier empire et rappelle celui des cavaliers de Géricault. Si la première troupe de cavalerie de la cité de Philadelphie avait de nouveau à tirer le sabre, ainsi qu’elle l’a fait glorieusement en 1776, la première chose qu’elle commencerait par faire serait probablement de changer de tenue. Mais cette perspective étant assez improbable, elle tient à conserver son uniforme actuel, qui lui est cher comme le sont à tout bon Américain les souvenirs du passé, et elle se contente pour le moment de son rôle d’institution historique et aristocratique, car ce sont les jeunes gens des best families de Philadelphie qui en font presque exclusivement partie. Les invitations féminines étant strictement limitées aux femmes, filles ou sœurs des officiers et soldats du régiment, nous espérions, grâce à cette circonstance, voir réunies presque toutes les femmes de la société de Philadelphie. Mais si quelques-unes ont daigné répondre à l’appel, la majorité cependant s’est abstenue, craignant, malgré la composition choisie du régiment, que la société ne fût encore trop mélangée pour elles. Ainsi s’est trouvé justifié à nos yeux un dicton qui a cours, paraît-il, en Amérique. Lorsqu’il s’agit d’une jeune fille à marier : Combien a-t-elle? demande-t-on à New-York. Que sait-elle? demande-t-on à Boston. Mais, à Philadelphie, la question devient: Qui est-elle? Who is she?

C’est avec beaucoup de regrets que j’ai quitté si rapidement Philadelphie, comme au reste toutes les villes américaines où j’ai passé, car ma curiosité avait été mise en éveil par bien des questions que j’aurais été heureux d’approfondir. La ville de Philadelphie est beaucoup moins peuplée que celle de New-York; mais elle occupe un beaucoup plus grand espace de terrain et elle compte soixante