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avouer la cause, dont le pays, cette éternelle victime de tous les 2 décembre, subit les conséquences. Chercher à concilier les groupes épars d’une majorité, comme on le dit dans les discours d’aujourd’hui, ou demander la discipline au parti dominant, comme le fait M. le président du conseil, c’est fort bien, on peut l’essayer, si l’on veut ; mais ce n’est là qu’un palliatif. — « Réformateurs, réformez-vous vous-mêmes, » disait l’autre jour dans un banquet M. le député républicain de Saint-Flour, et il avait raison. C’est le système qu’il faudrait changer, car le mal est au plus profond de la situation : il est dans l’essence d’une politique qui confond tout et abaisse tout, qui, en s’abandonnant aux plus vulgaires inspirations de parti, s’amoindrit elle-même, et laisse la France sans garanties dans ses affaires intérieures, sans direction et sans autorité dans son rôle extérieur.

Avoir une direction, une politique, savoir en un mot ce qu’on veut, c’est le secret de l’influence et de la force pour une nation qui a en elle-même tous les élémens de la puissance. C’est ce qui fait que l’Angleterre, une fois qu’elle a eu pris sa résolution, a pu s’engager sans hésiter, sans dévier dans ces affaires d’Égypte où sa fermeté a si promptement décidé du succès. Cette campagne égyptienne, habilement préparée et rapidement conduite, elle est désormais terminée, en effet, au moins dans sa partie militaire. Le combat de Tell-el-Kébir en a fini avec cette insurrection prétendue nationale qui a disparu subitement comme une décoration de théâtre, et dont les chefs principaux, Arabi en tête, sont aujourd’hui en jugement devant une cour martiale. Le khédive Tewfik-Pacha est sorti de son obscurité, de sa captivité d’Alexandrie, pourrait-on dire, pour rentrer au Caire sous l’égide britannique, et il s’est donné une ombre de ministère. La résistance, s’il y en a encore, n’apparaît plus que sous la forme de désordres partiels et incohérens qui sont la suite inévitable d’un temps de troubles, et sir Carnet Wolseley a pu donner à son armée le signal du départ. Bien entendu, ce n’est qu’une partie de l’armée expéditionnaire qui retourne en Angleterre et aux Indes. Dix mille Anglais restent dans la vallée du Nil, d’abord pour garantir à l’Angleterre les suites de sa victoire, pour assurer ensuite la paix intérieure à peine rétablie en Égypte et pour laisser le temps de reconstituer un certain ordre politique et administratif. Ce n’est plus la guerre, c’est l’occupation protectrice qui commence. La question est maintenant de savoir ce qui sortira de tout cela, ce que sera cet ordre égyptien qu’on se propose de reconstituer, comment, en un mot, l’Angleterre se tirera de cette seconde partie de son entreprise. La question a deux faces. Une des premières préoccupations paraît avoir été de réorganiser quelques forces militaires, et c’est un Anglais, depuis quelques années au service du sultan, Baker-Pacha, qui a été mandé de Constantinople pour refaire moins une armée qu’une sorte de gendarmerie ; mais quelle que puisse être, dans un