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temps donné, l’utilité de ces forces que Baker-Pacha est chargé de réorganiser, ce n’est pas sans doute ce qu’il y a de plus important et, pour le moment, l’armée anglaise est la plus sûre gardienne de l’Egypte. Reste toujours le plus essentiel, la partie politique, et ici l’Angleterre en est encore visiblement à la période des délibérations, des négociations, peut-être des hésitations. Le problème est en effet assez compliqué, puisqu’il s’agit de créer, de refaire une situation tout entière où les intérêts de l’Angleterre soient sauvegardés et où l’Europe, la France elle-même trouvent des garanties. Quelques-uns des membres du cabinet de Londres qui ont eu récemment roccasion de s’expliquer dans des réunions, et M. Gladstone lui-même dans quelques paroles qu’il a prononcées, se sont montrés assez réservés. Évidemment les Anglais ne veulent rien brusquer ; ils tiennent à ne rien faire qui ne puisse être accepté par l’Europe, particulièrement par la France ; mais comme ils sont seuls dans la vallée du Nil, il est clair qu’ils n’en sortiront que lorsqu’ils croiront laisser une situation assez raffermie, suffisamment conforme à leurs intérêts.

Ces événemens d’Egypte ont été certainement pour l’Angleterre une occasion favorable d’une démonstration de puissance, et, quoi qu’il arrive, le ministère recueille dès aujourd’hui pour lui-même, pour sa propre existence, les avantages d’une résolution hardie. Il est pour le moment protégé par un succès extérieur de nature à flatter l’orgueil britannique, et, dans ce succès même, il puise évidemment une force nouvelle pour aborder la session parlementaire qui va se rouvrir d’ici à peu de jours, avant la fin du mois.

Ce n’est, il est vrai, qu’une session pour ainsi dire spéciale, dans tous les cas assez inusitée, que le chef du cabinet avait annoncée au moment de la séparation du parlement, au mois d’août, et qui a un objet précis. Il s’agit d’une réforme du règlement intérieur de la chambre des communes dont le premier ministre lui-même a pris l’initiative, et dont la discussion n’a été interrompue pendant la session dernière que par les afl’aires plus sérieuses, plus pressantes d’Egypte et d’Irlande. La question va se reproduire maintenant, et elle s’engage dans de telles conditions qu’elle sera vraisemblablement résolue selon les vœux du cabinet. L’idée même de cette proposition est née, en définitive, d’une sorte de nécessité qui s’est révélée plus que jamais dans la session dernière au milieu des interminables débats dont la crise irlandaise a été l’occasion ; elle a été conçue pour mettre fin à cette guerre de broussailles qui s’est appelée « l’obstruction, » pour faciliter l’expédition des affaires en simplifiant les débats parlementaires. M. Gladstone propose de laisser désormais au speaker le droit de provoquer la clôture d’un débat à la simple majorité. Ce n’est point là d’ailleurs la seule nouveauté ni même peut-être la nouveauté la plus considérable du projet. M. Gladstone propose encore la création