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bibliothèques qu’un grand nombre d’industriels ont annexés à leurs usines, qui permettent à ceux qui n’ont qu’une instruction insuffisante de la compléter et qui font au cabaret une concurrence souvent heureuse ; enfin les sociétés de secours mutuels et les caisses de retraite.

L’idée de l’association pour l’assistance mutuelle en cas de maladie s’est présentée de bonne heure ; elle a donné naissance à des sociétés organisées soit par établissement, soit par corps de métier, dont l’objet est d’assurer au participant les soins du médecin, les remèdes et un secours en argent en cas de maladie ; elles pourvoient aux frais d’inhumation, viennent en aide aux femmes en couches et parfois assurent aux membres des pensions de retraite. Elles ont leurs règlemens spéciaux, leurs conseils d’administration, leurs cotisations variables. Les unes sont facultatives, les autres sont obligatoires pour tous les ouvriers d’une même fabrique, surtout quand les patrons y contribuent, ce qui est le cas le plus ordinaire, car, abandonnés à leurs propres ressources, les ouvriers réussissent rarement à faire œuvre durable.

On se rappelle le bruit qui s’est fait, il y a tantôt vingt ans, autour de la question des banques populaires imaginées par Schultze-Delitsch et des sociétés coopératives au moyen desquelles on voulait transformer l’ouvrier en patron. L’Alsace n’a pas échappé à la contagion de ces rêves humanitaires ; mais ces tentatives n’y ont pas eu plus de succès qu’ailleurs. Presque partout elles ont pitoyablement échoué, parce que la conception repose sur une erreur économique, la suppression des intermédiaires dans le commerce et des entrepreneurs dans la production. Or, intermédiaires et entrepreneurs ont leur raison d’être et ne sont pas des parasites, comme on se plaît à le dire. Ils rendent des services qu’il faut bien leur payer, si onéreux qu’ils paraissent, parce qu’on ne peut pas s’en passer. Certaines sociétés de consommation, quand elles ont eu à leur tête des hommes honnêtes et intelligens, ont pu prospérer, mais c’est l’exception ; comme c’est l’exception aussi d’avoir vu réussir les sociétés de production parce que l’industrie manufacturière exige un outillage compliqué et des capacités supérieures à celles des simples ouvriers. La coopération n’a de chances de succès que pour des professions exigeant peu de capitaux et pour des groupes d’hommes peu nombreux se connaissant entre eux, ayant les mêmes aptitudes et les mêmes intérêts. Dans tout autre cas, elle ne peut donner que des déceptions.

Une autre panacée dont il est souvent question pour résoudre le problème de la misère est la participation des ouvriers aux bénéfices. En y regardant de près, on voit que c’est tout simplement un