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mais le mouvement centripète de l’air dans les tourbillons est un fait trop manifeste pour être nié. « Tous les navigateurs qui ont traversé des cyclones, dit l’amiral Mouchez[1], sont unanimes à reconnaître qu’il faut lutter énergiquement quand on y pénètre trop avant pour réussir à s’écarter du centre : c’est là une preuve évidente d’abord que le vent tourne en se rapprochant du centre, c’est-à-dire en spirale, et ensuite qu’au centre du cyclone le mouvement de l’air a lieu de bas en haut ; car, s’il avait lieu en sens contraire, il produirait à la surface de la mer un vent centrifuge qui écarterait les navires de la zone dangereuse, ce qui malheureusement ne s’est jamais vu. » M. Knipping, dans ses intéressantes études sur les typhons du mois de septembre 1878 et 1879, arrive à cette conclusion que l’obliquité des vents, variable selon les circonstances, peut dépasser 60 degrés ; les routes des molécules d’air qui affluent vers le centre s’infléchissent d’abord en spirales et deviennent, plus près du centre, presque circulaires. La trajectoire d’un typhon, déterminée d’après ces principes, peut être très différente de ce qu’elle serait si on l’établissait suivant l’ancienne méthode par des relèvemens du centre perpendiculaires à la direction des vents.

Il est clair que la question reste ouverte et qu’il faudra sans doute attendre encore bien des années avant que les météorologistes s’accordent sur la véritable nature de ces mouvemens tournans. En attendant, toutes ces discussions ont un peu ébranlé la confiance des marins dans les règles pratiques qu’on leur recommande comme infaillibles. M. Faye a pris à tâche de la raffermir en réfutant toutes les objections dans un éloquent plaidoyer, qu’il a intitulé : Défense de la loi des tempêtes[2], et dans de nombreuses communications à l’Académie des sciences. Il fait remarquer avec raison que l’indétermination des routes spirales que l’on assigne aux molécules d’air entraînées dans le tourbillon ne permet pas d’établir des règles de manœuvre simples et précises, de sorte que, privés de tout fil conducteur, les marins n’auront plus qu’à se fier à leur inspiration. L’histoire des navires tels que le Charles Heddle ou l’Earl of Dalhousie, qui, enveloppés par un cyclone, en ont fait le tour malgré eux quatre ou cinq fois dans l’espace de quelques jours, prouve assez que l’erreur qui peut résulter de l’hypothèse circulaire n’est pas aussi grande qu’on veut bien le dire ; et en attendant mieux on fera sagement de ne pas y renoncer.

La discussion sur la vraie forme des tourbillons se complique d’ailleurs d’une question de théorie que nous devons nous borner à effleurer ici. Le fait de l’obliquité des vents est l’argument

  1. Mission de Saint-Paul. (Recueil de mémoires, rapports et documens relatifs au passage de Vénus. )
  2. Annuaire du Bureau des longitudes, 1875.