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baie. Le général est absent, mais, grâce à l’obligeance de Mrs Dowell, je suis admis à bord d’un petit cutter à vapeur qui dessert tous les soirs les deux ou trois postes militaires situés à l’entrée de la baie. Je revois au soleil couchant cette splendide Porte d’or, ces rochers rouges, ces eaux bleues, ces montagnes violettes, avec leur incomparable éclat de couleurs, et cette fête des yeux est le dernier souvenir que j’aie gardé de San-Francisco.


LE NOUVEAU CHEMIN DE FER DU PACIFIQUE.

20-28 novembre.

Le lendemain matin, il faut que je parte et sans rémission. Nous sommes au 19, et si je veux m’embarquer le 30 après m’être arrêté un jour à Saint-Louis en revenant, je n’ai pas de temps à perdre, d’autant plus que le retour sera pour moi plus long que l’aller. Au lieu de reprendre la voie par laquelle je suis venu, j’ai fait choix d’une nouvelle route, celle du Southern Pacific, qui n’est ouverte que depuis quelques mois, du moins comme through line, c’est-à-dire comme ligne de grand parcours. Ce chemin de fer dessert tout le sud de la Californie jusqu’à la frontière du Mexique qu’il suit jusqu’à Deming. De ce point parlent deux lignes : l’une qui par Le Texas ira prochainement rejoindre le port de Galveston sur le golfe du Mexique (peut-être est-elle ouverte aujourd’hui) et fera une rude concurrence à l’ancien chemin du Pacifique en conduisant plus rapidement à la mer les produits de la Californie ; l’autre, qu’on appelle l’Atchison Topeka and Santa Fe Railroad, rejoint à Kansas-City une ligne déjà ancienne, au moins relativement, qui par Saint-Louis se raccorde elle-même avec les grandes lignes du nord de l’Amérique. Il n’y a pas plus de quelques mois que la soudure est faite entre le Southern Pacific et l’Atchison Topeka and Santa Fe Railroad ; je crois donc être un des premiers Européens qui y ait passé. Je ne sais si c’est à cause de cela, mais j’ai trouvé le voyage par cette ligne beaucoup plus intéressant que celui par l’Union et le Central-Pacific. Je dois avouer que tant qu’on est en Californie, c’est-à-dire pendant les vingt-quatre premières heures, la route est assez monotone, sauf un passage de montagnes que j’ai fait malheureusement la nuit. Mais, à partir de Los Angeles, le pays change d’aspect. La ville de Los Angeles, qui est le point le plus méridional de la Californie, est elle-même très pittoresque. C’est le centre de la culture des oranges, et tout alentour s’étendent de vastes jardins qui m’ont rappelé les environs de Palerme. Pour