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LE
VATICAN ET LE QUIRINAL
DEPUIS 1878

I.
LE PAPE LÉON XIII ET L’EUROPE.

Aux mois de janvier et de février 1878, lors de la mort presque également inattendue de Victor-Emmanuel et de Pie IX, je faisais à Rome ma quinzième ou seizième visite. Le premier roi moderne de l’Italie une et le dernier pape-roi, frappés à quelques semaines de distance, attiraient Italiens et étrangers, pèlerins du patriotisme ou de la foi, autour de leurs dépouilles rivales, l’un au Panthéon, l’autre à Saint-Pierre, comme si la mort, qui d’ordinaire apaise tout, s’était plu à dresser tombe contre tombe. Les cardinaux, bannis du Quirinal, où, depuis la mort de Pie VII, avaient eu lieu toutes les élections pontificales, s’étaient, après quelques hésitations, réunis en conclave au Vatican. De la place Saint-Pierre on distinguait par-dessus la colonnade du Bernin les fenêtres grillées à la hâte du conclave improvisé, et du pied de l’obélisque les amateurs des vieux usages pouvaient guetter la sfumata traditionnelle. Romains et forestieri étaient curieux de savoir quelles mains recueilleraient la lourde succession de Pie IX. Dans le monde et dans la presse, on discutait les titres des cardinaux « papables. » Les marchands du Corso exposaient leurs photographies, et les promeneurs supputaient les chances de chacun. Sur la place de la Minerve, à quelques pas du Panthéon, où Victor-Emmanuel attend encore un