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conclusions très peu favorables à la ville et aux abonnés, et soutint que l’article 11 ne donnait aucun droit d’exiger un abaissement de prix. On verra plus loin comment elle avait compris sa mission.

La commission municipale, composée des conseillers les plus experts en matière financière, tels que MM. Jacques, de Heredia, Germer-Baillière, fut sans doute un peu découragée de ce résultat. Elle abandonna la question de droit et la question technique, et ne chercha en somme qu’un moyen de donner satisfaction aux abonnés sans rien prendre aux actionnaires. Ce moyen était fort simple, la compagnie elle-même l’avait suggéré : c’était la prolongation du traité.

Amortir la totalité du capital, c’est constituer en bénéfice tout le matériel et les immeubles. Ce système de comptabilité promet un beau dividende lors de la fin de l’exploitation ; mais en assurant un bel avenir, il grève le présent d’une lourde charge. Cette charge s’accroît sans cesse, car la consommation augmente tous les ans de 20 millions de mètres cubes. Elle aura doublé avant vingt ans, et il aura fallu doubler les usines, car les fabricans se sont engagés à fournir à la consommation quelle qu’elle soit. Dans les dernières années, la prime d’amortissement enlèvera une part considérable des bénéfices. La dépense diminuerait, si l’amortissement était réparti sur un plus grand nombre d’années.

La compagnie demandait quarante ans à partir de 1905. Elle accordait en échange une réduction immédiate de 2 centimes. Le total des bénéfices, 35 millions environ, ne devait pas baisser sensiblement, puisqu’on avait moins à donner à l’amortissement ; s’il baissait, ce devait être aux dépens de la ville, qui verrait diminuer sa part et garantirait celle des actionnaires. Enfin, quand les 35 millions seraient dépassés, ce qui devait arriver prochainement, grâce au progrès de la consommation du gaz, on devait procéder à de graduelles réductions de prix, en abandonnant aux abonnés la moitié du surplus des bénéfices.

Tels furent les principes du projet qui fut adopté par la commission et présenté au conseil par le rapport de M. Martial Bernard. On voit qu’il n’était plus question du droit de la ville à exiger une réduction, que la réduction devait s’opérer sans rien coûter aux actionnaires, et qu’ils allaient jusqu’à exiger des garanties.

La discussion eut lieu à la fin de 1880, et, malgré un fort beau discours de M. Alphand, le projet fut ajourné. Les pouvoirs des conseillers allaient expirer, et ils voulaient, avant de rien terminer, conférer avec leurs électeurs.

L’opinion des électeurs n’était pas douteuse. La campagne fut dirigée dans presque tous les quartiers contre deux institutions qui n’avaient entre elles aucune ressemblance : l’enseignement chrétien et la Compagnie du gaz. Instruction laïque et éclairage à bon