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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/467

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un nombre assez considérable de termes populaires qui, dans l’âge suivant, ont disparu du bon usage. Mais, d’autre part, ils y notent unanimement de la mignardise et de l’afféterie, par exemple dans un fâcheux abus qu’il se permet des diminutifs. C’est une preuve que, dans la langue de son temps, la séparation n’est pas encore faite entre l’idiome vulgaire et l’idiome littéraire. On sent le prix de la simplicité, d’une part et, faute d’y pouvoir toujours atteindre, on y supplée par la grossièreté. Mais, d’autre part, on sent le prix aussi de la distinction, et, faute d’y pouvoir atteindre, on y supplée par la recherche. C’est ainsi que, des hauteurs où la Pléiade, pindarisant et pétrarquisant, guindait son orgueilleuse prétention, nous la voyons quelquefois qui retombe de toute sa hauteur, à la grossièreté de l’ancien fabliau. Il est également demeuré dans Catulle quelque chose du parler des portefaix de Rome, tandis que, d’autre part, il dérobait à l’école d’Alexandrie ses plus subtils raffinemens. Et ainsi, ce que nous pouvons juger de sa langue s’accorde avec ce que nous savons de son temps, pour nous faire voir en lui le représentant d’un art intermédiaire entre l’art qui vient de finir et celui qui n’est pas encore né : telle fut exactement, comme on sait, la situation de nos poètes du XVIe siècle.

Un dernier trait achève la ressemblance : Catulle, comme Ronsard, comme Du Bellay, comme Baïf, est un poète savant, qui travaille, d’après des modèles, à l’enrichissement de la langue et la perfection des formes poétiques. Ses pièces les plus considérables, — l’Attis, la Chevelure de Bérénice, l’Épithalame de Thétis et Pelée, — sont des imitations ou des traductions. Un autre épithalame, celui dont nous avons rappelé plus haut quelques fragmens, est traduit, pour une part, d’une idylle de Théocrite, pour une autre, vraisemblablement, d’un hyménée saphique, — et, pour le reste, qui sait encore de quelle autre pièce perdue ? Un troisième épithalame encore, celui des noces de Manlius Torquatus et de Junia Aurunculeia, s’il parcourt l’une après l’autre toutes les cérémonies successives du mariage romain, le mètre toutefois en est grec, et la strophe, et le premier couplet, et le refrain lui-même. Il n’est pas enfin jusqu’à telle pièce où Lesbie, ce jour-là, fut traitée comme une « Iris en l’air, »

Ille mi par esse deo videtur…


qui ne soit presque littéralement traduite de Sapho. Si maintenant j’avais la compétence nécessaire pour entrer dans le détail épineux de ces questions de métrique, je crois que je pourrais montrer que les innovations de Catulle sont du même ordre à peu près que dans l’histoire de notre poésie les réformes de Ronsard. C’est lui qui, le premier, par exemple, a introduit dans la langue latine ces combinaisons de