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de leur père des titres supérieurs à celui de chevalier, et comme on observait parfois dans la prise de ces titres la hiérarchie, le vulgaire tenait volontiers tous les fils d’un noble pour autorisés à prendre chacun un titre.

Dans plusieurs maisons ducales, le fils aîné portait le titre de prince, dont l’apparition dans la hiérarchie des titres ne date en France que du XVIe siècle. Encore à cette époque, l’opinion dominante était-elle que le titre de prince ne pouvait appartenir qu’à un véritable souverain et aux membres de sa famille. Depuis longtemps chez nous, les fils et les frères du roi recevaient le titre de princes du sang, ses filles et ses sœurs, celui de princesses du sang. Il arriva ensuite que les possesseurs de certaines seigneuries réclamèrent pour elles le titre de principauté, se fondant généralement sur des documens fort contestables. Des maisons de haute noblesse obtinrent alors du roi ou du saint empire pour leur fils aîné le titre de prince, auquel fut attaché le nom d’une seigneurie. Cette qualification, qui ne figurait pas à l’origine dans la hiérarchie des titres usités, finit par y faire sa place, et, au siècle dernier, on la classa tour à tour avant ou après le titre de duc. L’une des plus anciennes principautés nées de la sorte et qui valut son nom à une illustre maison est la seigneurie de Guéméné. Charles IX lui reconnut le titre de principauté. Elle appartenait aux anciens vicomtes de Rohan, ancêtres d’une famille qui devint plus tard ducale. Dans cette même maison de Rohan, nous rencontrons une autre principauté de date plus récente, celle de Soubise créée par Louis XIV en faveur du fils d’Hercule de Rohan, comte de Rochefort, puis duc de Montbazon. Autre exemple : le comte François II, père de François de La Rochefoucauld, qui a été mêlé aux guerres religieuses du XVIe siècle et périt à la Saint-Barthélemy, ayant pris parmi ses titres celui de prince de Marsillac, tiré d’une seigneurie qui prétendait à la qualification de principauté, les aînés de sa maison adoptèrent l’usage de porter du vivant de leur père le titre de prince de Marsillac, et c’est sous ce titre que fut d’abord connu, avant d’être appelé duc, comme héritier du cinquième François de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes. En reprenant le titre de duc, La Rochefoucauld ne fit ainsi que se conformer à ce qui se pratiquait dans d’autres maisons ducales. Ce n’étaient pas seulement les aînés qui échangeaient à la mort de leur père et en d’autres circonstances le titre qu’ils avaient d’abord porté, c’étaient encore les cadets. Comme les qualifications de marquis, de comte, de vicomte, tendaient à perdre leur acception féodale et à ne plus représenter qu’un degré dans la hiérarchie nobiliaire, on vit souvent les puînés, tout en gardant le nom paternel, y ajouter un titre immédiatement inférieur à celui qu’avait leur aîné. Quand celui-ci faisait pareillement