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pouvant faire supposer la noblesse, telles que celles de chevalier, écuyer, noble homme, messire ; en un mot, on s’efforça d’empêcher les abus qui étaient nés précisément des moyens auxquels on avait eu recours pour faire cesser ceux dont on se plaignait depuis longtemps et qui étaient l’objet de vives réclamations de la part de la noblesse. Celle-ci avait en effet singulièrement souffert de l’enquête destinée en principe à la préserver de l’intrusion des faux gentilshommes. Elle avait été engagée dans de longs et dispendieux procès, forcée, pour comparaître devant les juges et défendre la légitimité de ses titres, à d’incommodes et onéreux déplacemens. En reprenant la recherche avec plus d’attention et d’équité, c’était surtout la mauvaise foi de ceux dont les titres étaient manifestement faux, tout au moins fort suspects, que l’on voulait atteindre. Leurs détenteurs recouraient à toutes les ressources de la chicane pour paralyser l’action des commissaires et éviter la radiation et l’amende. Il arrivait souvent que ceux qui avaient été déboutés et qui se voyaient rétablis sur les rôles de la taille, sortaient de la province qu’ils habitaient et se réfugiaient dans quelque ville franche, de façon à échapper aux effets du jugement les condamnant à payer cet impôt. On prit en conséquence des mesures pour les poursuivre partout où ils allaient s’établir. Mais bien des usurpations de noblesse étaient déjà anciennes, et les commissaires étaient contraints pour les pouvoir constater de remonter haut dans le passé ; ce qui ajoutait encore à la difficulté de leur tâche. Il fallut, pour qu’ils pussent s’en tirer, fixer une date au-delà de laquelle les titres ne seraient plus exigibles, et l’on se contentait alors d’une possession de notoriété publique : autrement dit, on admit une prescription en matière d’usurpation de noblesse. Le terme de cent ans avait été d’abord adopté, mais cette disposition fournissait à ceux dont la possession, originairement non contestée, était déjà assez ancienne, le moyen d’arriver en traînant les affaires en longueur, en recourant à des oppositions, à des appels, à gagner le terme de cent ans et de s’attribuer ainsi le bénéfice de la prescription. Une déclaration royale dut, pour enlever à la mauvaise foi ce dernier expédient, décider que le terme de cent années ne pouvait courir que jusqu’à la première assignation signifiée aux contestans.

Le catalogue qui sortit de cette interminable enquête et dont un arrêt du conseil d’état du 22 mars 1666 avait ordonné la rédaction, contint les noms, prénoms, armes et demeure des gentilshommes reconnus. Des copies partielles en furent déposées dans chaque bailliage, comme l’avait demandé l’ordre de la noblesse. Quant à l’instrument original, des arrêts du conseil du 15 mars 1669 et du 2 juin 1670 en prescrivirent le dépôt à la bibliothèque du roi, ainsi que celui de l’état des particuliers condamnés comme usurpateurs.