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V.

Nous avons vu que le gouvernement parlementaire est nécessairement un gouvernement de partis et qu’il fonctionne d’autant mieux que les partis sont plus nettement tranchés et plus fortement disciplinés. Mais, d’autre part, la prédominance de l’esprit de parti offre des inconvéniens qui s’aggravent et qui frappent de plus en plus les observateurs éclairés. Après avoir analysé le mal, il faudra donc en chercher le remède.

Parmi les auteurs qui ont le plus profondément étudié les ressorts du régime constitutionnel, la plupart font l’éloge des partis. Un politique anglais de premier ordre, Burke, en dit ceci : « Un parti est une réunion d’hommes qui s’accordent pour travailler en commun au bien du pays, conformément à certains principes généraux qui leur sont communs. Les gens qui pensent librement ne peuvent en tout penser de même ; mais, comme la direction de la chose publique dépend de quelque principe d’importance supérieure, si on s’entend sur celui-ci, on s’entendra aussi sur ses conséquences. Les bons, effets de l’esprit de parti en Angleterre ont été nombreux et importans. Le premier a été qu’il a imprimé de la suite et de la cohérence aux opinions des hommes politiques. Il leur a donné, pour les affaires publiques, certaines règles de conduite semblables à celles de la morale universelle, qui leur permettent de résoudre les questions obscures ou douteuses. L’attachement à ces principes les met à même de résister aux tentations de l’intérêt privé, aux sophismes des autres et à leurs propres caprices. Leur attitude devient digne et ferme, leur caractère s’élève, leur esprit acquiert de la suite. Enfin l’union d’un grand nombre de personnes sous un même drapeau donne au gouvernement la force nécessaire pour faire les lois qu’exige le bien du pays. » En Allemagne, l’influence des partis a été étudiée d’une façon systématique par Röhmer[1] et par Bluntschli[2]. Tous deux les considèrent comme indispensables à la marche des institutions libres. D’après Bluntschli, les partis politiques sont d’autant plus actifs et plus puissans que la vie publique est plus libre et plus élevée. « L’histoire de la république romaine et du développement de la monarchie anglaise ne s’explique, dit-il, que par le conflit des partis, dont les péripéties forment, en réalité, les

  1. Lehre von den politischen Parteien (Théorie des partis politiques).
  2. Character und Geist der politischen Parteien (Caractère et esprit des partis politiques).