Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/917

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est difficile d’émettre une affirmation. Je crois les Pouls apparentés aux Berbères, mais leur langue ne contient aucun son guttural. C’est un idiome doux, sonore, très riche, peu connu encore, mais qui ne présente pas des difficultés insurmontables pour un Européen. Les Pouls sont des orateurs remarquables et savent suivre le fil de leurs discours au milieu des interruptions les plus violentes. Ils sont très diplomates, comme les Arabes, et s’emportent comme beaucoup de méridionaux, à froid, calculant et pesant chaque expression. Ils ne commencent jamais un discours sans les saints d’usage, que je vais transcrire et qui donneront une idée de la langue.

Kori djam oualli, bonjour.

Djdmtou, bonjour.

Tana ala ? comment vas-tu ?

Modji, bien.

Alhoindoullilaî ! remercions Dieu !

Puis l’entretien s’engage. Les Toucouleurs, les Al-Poular des bords du Sénégal parlent la même langue, mais avec moins de pureté. Le voisinage des Ouolofs et des Arabes a amené des différences dans la prononciation et dans le fond de la langue. Le Toucouleur, comme le Ouolof, prononce le j guttural, le jota des Espagnols ; le Poul pur, le Poullotigui, ne l’emploie jamais. « Les sous de cette langue, dit le général Faidherbe, peuvent tous être représentés par des lettres de notre alphabet, mais on n’y trouve pas nos sons u, j, ch, x, z ; ni les sons du kha, du rhaîn et du ’ain arabes. » Le poul n’a pas de genres sexuels, il partage les êtres en deux catégories : d’une part, ce qui appartient à l’humanité ; d’autre part tout ce qui n’est pas à elle : animaux, plantes, choses inanimées. Nous renvoyons à l’essai remarquable publié par le général Faidherbe et complété par mon collègue le docteur Quintin, ceux qui voudraient approfondir cette étude.

M. d’Eichthal, se fondant sur de simples ressemblances de mots, a trouvé des analogies entre le poul et les langues de la Malaisie, de l’Archipel Indien, de la Polynésie, et même des langues américaines comme le caraïbe. Il conclut que les Pouls sont venus de l’archipel Indien ou de la Polynésie.

Il résulte des savantes études du général Faidherbe qu’il y a une grande analogie entre le poul et les langues ouolof et sérère, bien qu’à première vue le poul semble tout à fait différent, qu’il n’ait pas le kh, qu’il n’ait pas d’article et que les noms souvent mono-syllabiques en ouolof et en sérère soient polysyllabiques dans la langue qui nous occupe. — Les Pouls, les Ouolofs et les Sérères comptent jusqu’à cinq, puis disent cinq un, cinq deux, etc., jusqu’à dix. On calcule ensuite par dizaines.