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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.

Un revenant d’un des derniers ministères, prenant la présidence d’un groupe parlementaire qui s’appelle l’union démocratique, faute de s’appeler autrement, disait ces jours passés à ses collègues, en guise de compliment : « Vous ne redoutez l’examen d’aucun problème politique ou social ; mais vous entendez en même temps que la république, généreuse comme notre caractère national, soit un régime de liberté pour les opinions et pour les personnes, de dignité à l’extérieur, de paix sociale et religieuse au dedans… » Ils parlent tous ainsi ! Ce que disait le président de cette union démocratique, M. le président, du conseil l’a déclaré toutes les fois qu’il en a eu l’occasion, M. le ministre de l’intérieur l’a dit à son tour, la plupart des membres du cabinet l’ont répété. Eh bien ! à parler sans détour, ce n’est là plus que jamais qu’une banalité de programme qui ne répond à rien de réel dans nos affaires au point où elles ont été conduites. La dignité à l’extérieur n’est malheureusement qu’une fiction de langage qui cache le pénible isolement où a été placée la France. La paix sociale et religieuse n’est qu’un euphémisme qui déguise à peine un état moral profondément troublé. Ces réformes qu’on prétend toujours entreprendre ne sont pas des réformes. Les problèmes qu’on se flatte de ne pas redouter restent des problèmes aggravés par la confusion de tentatives stériles. On les soulève tous à la fois, pêle-mêle, il est vrai, on n’en résout aucun, parce qu’il ne suffit pas de porter une présomption turbulente dans les affaires d’un pays. On s’agite dans l’impuissance, et de plus en plus le résultat est une situation où tout est engagé, où beaucoup d’intérêts moraux, diplomatiques, financiers, sont compromis sans qu’on, paraisse même se douter du mal qui a été fait jusqu’ici, des crises plus sérieuses encore qu’on prépare, peut-être. Il y a déjà des années que M. Gambetta disait