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désormais son avenir en mains, en bonnes mains. Il fut en garnison à la Guadeloupe, puis à la Martinique ; en 1838, il est nommé sous-lieutenant ; il n’avait que vingt-deux ans. S’il fût sorti de l’École de Saint-Cyr, il n’eût pas été plus avancé. En 1843, il était capitaine et revint en France, ramené par le général de Fitte de Soucy, inspecteur permanent de l’infanterie de marine, qui en avait fait son aide-de-camp. La position était enviée et pleine de promesses ; elle ne retint pas le capitaine Douay, qui abandonna Paris, quitta son général et, dès 1844, réussit à passer au 32e de ligne, en expédition dans la province d’Oran. De ce jour, il ne se tira pas un coup de fusil contre la France que Félix Douay ne fût au premier rang pour riposter. En 1848, il est à l’armée des Alpes ; en 1849, il est devant Rome ; dans la nuit du 29 au 30 juin, il monte le premier à l’assaut et reçoit un coup de baïonnette qui ne l’empêche pas de se jeter dans la place à la tête de ses voltigeurs. Le séjour de Rome n’était point pour lui plaire ; se promener au Corso, aller au café grec, bâiller au théâtre Argentina, c’étaient là de médiocres plaisirs pour un homme accoutumé à la vie active. Il avait été nommé chef de bataillon, il obtint d’être envoyé dans la province d’Oran, au 68e de ligne.

En 1854, il rejoignait l’armée d’Orient, faisait l’expédition de Crimée et rentrait en France avec les épaulettes de colonel. On peut convenir qu’il les avait méritées : il est à l’attaque de nuit du 1er mai 1855, l’une des plus meurtrières de la campagne ; à la bataille de Traktir, il défend la tête du pont et ne permet pas aux colonnes russes de débucher ; à l’assaut du 8 septembre, il attaque la grande courtine et, quoique blessé, se porte au secours du général Vinoy, qui se maintenait avec peine dans la gorge de Malakof. En 1859, il est en Italie et bat les Autrichiens à Turbigo. Général de brigade à Solférino, il est, dès le début de l’action, devant le cimetière qui est la clé de la position ; il y est et il y reste jusqu’à ce que le mouvement de la garde permette d’enlever l’obstacle et de pousser en avant. Ce jour-là, les trois frères Douay étaient engagés ; Abel fut grièvement blessé au pied ; Félix reçut une balle et eut deux chevaux tués sous lui ; Gustave fut tué. La digression n’est point inutile qui rappelle de tels souvenirs. En 1862, le général Douay, qui commandait la subdivision d’Amiens, fut appelé à diriger la brigade du corps expéditionnaire du Mexique, placé sous les ordres du général Lorencez. Au siège et dans les rues de Puebla, en campagne, en corps détaché, partout où il fut envoyé, il fut héroïque, donnant l’exemple d’une obéissance irréprochable, mais qui devait lui être douloureuse, car il blâmait les opérations du commandant en chef, dont il ne comprenait ni la tactique ni les intentions. Il fut