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rappelé en France, eut plusieurs entrevues avec Napoléon III, et repartit pour le Mexique. Lorsque tout fut perdu, lorsque nul espoir nef subsista, on voulut lui infliger la responsabilité suprême de l’expédition ; il refusa et écrivit à l’empereur : « Je ne veux pas me faire l’instrument de la ruine de mes camarades. »

Il revint en France ; lorsque la guerre éclata en 1870, il reçut le commandement du 7e corps d’armée, qu’il organisa à Belfort, ou bien peu d’approvisionnemens furent mis à sa disposition et dont il fit augmenter les travaux de défense. Après la défaite de Wœrth, il fut dirigé en hâte sur Reims pour rejoindre les débris de l’armée du maréchal Mac-Mahon. Il était à Sedan et fut interné à Bonn pendant sa captivité. Il rentra en France au moment où l’insurrection du 18 mars 1871, assassinant des généraux, massacrant des gendarmes, épouvantant le monde par sa violence et sa bêtise, complétait le désastre que nous supportions et le rendait insupportable. Le général Douay eut horreur de tant d’impiété envers la patrie ; il accourut se mettre aux ordres du gouvernement réfugié à Versailles et reçut. le commandement du 4e corps, qui devait opérer entre la rive droite de la Seine et l’avenue de Neuilly. Mieux que personne, je puis dire quelle énergie il déploya en cette circonstance, d’où le salut du pays dépendait, car j’ai eu « ses papiers » en mains et j’ai pu suivre, jour par jour, les progrès de cette marche en avant qui devait le conduire le premier jusqu’aux murailles derrière lesquelles on préparait le meurtre des otages et l’incendie. Renseigné d’une façon précise par Ducatel, qui était son a éclaireur volontaire, » il força l’entrée de Paris soixante-douze heures avant le moment fixé par l’autorité militaire supérieure ; grâce à lui, grâce à son initiative, une large portion de Paris put échapper au pétrole : cette action seule suffirait à la gloire d’un homme.

Appelé en 1873 à la tête du 6e corps cantonné au camp de Châlons, il fit procéder sur les feux de guerre à des expériences, qui, au dire des personnes compétentes, constituent un notable progrès sur les anciennes méthodes. Il eût voulu rester au milieu des troupes qu’il aimait et auxquelles il avait bien réellement consacré sa vie ; la politique ne le permit pas. Au commencement de 1879, il fut relevé de son commandement et nommé inspecteur-général d’armée : compensation illusoire qui l’enlevait à ses occupations favorites, qui brisait des habitudes devenues une nécessité et qui le condamnait à une oisiveté peu faite pour cette nature active et ambitieuse de bien faire. Le coup fut dur, si dur qu’il en a été mortel. La vie lui parut inutile et il la quitta.

L’existence ne lui avait pas été clémente ; ces hommes d’airain ont parfois le cœur tendre, et je crois que le général Douay a