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pouvaient encore subsister, celui-ci débarquait à Calais et assistait au club des Jacobins, le jour anniversaire de la prise de la Bastille. Il avait pourtant vu clair durant cet éloignement volontaire d’une année, et il avait spécialement signalé avec discernement deux incidens qui faillirent troubler prématurément, dans cette année 1790, la paix de l’Europe : l’un était la révolution avortée des Pays-Bas et l’autre la querelle suscitée à l’Espagne par l’Angleterre à propos de la saisie de quelques navires marchands par le vice-roi du Mexique.

Si les premiers événemens de la révolution avaient été considérés par les cours étrangères sans effroi, c’est que notre caractère de légèreté nationale rassurait ; on traitait assez gaîment nos nouvelles libertés. On s’était même permis sur un théâtre de Londres de jouer une parodie de la constituante. On voyait sur la scène le président, armé d’une grosse cloche, occupé à faire taire les orateurs, qui parlaient tous à la fois. Mais les événemens du 6 octobre, les décrets rendus depuis le départ de Versailles, avaient révélé une vigueur et des passions inattendues. Les royautés européennes commençaient à être inquiètes et à redouter la propagande des idées françaises.

Une révolution avait éclaté dans le Brabant ; elle était essentiellement nobiliaire et aristocratique.

Un manifeste du 24 octobre 1789, signé Vanderhoot, déclarait que Joseph II avait violé les articles 3 et 5 du pacte fondamental en démolissant les fortifications, en supprimant arbitrairement plusieurs monastères et des confréries. Vainement l’aristocratie brabançonne s’était adressée à l’assemblée nationale et au roi et avait essayé de l’entraîner dans des mesures qui auraient pu amener la guerre ; La Fayette, tout-puissant, avait vainement tenté de créer un parti populaire dans le congrès belge ; il avait envoyé M. de Sémonville et un intrigant de premier ordre, Dumouriez, pour voir si réellement un concert pouvait être établi entre les deux mouvemens. Les négociateurs avaient échoué. Montmorin ne voulait pas rompre avec la cour d’Autriche, au moment surtout où Léopold II venait de prendre la couronne. L’assemblée nationale avait approuvé cette politique en renvoyant au roi sans les ouvrir les lettres qu’elle avait reçues des agens plénipotentiaires des populations révoltées. Rassuré de ce côté, l’empereur, après avoir obtenu par la convention de Reichenbach l’assentiment des cabinets de Londres et de Berlin, avait fait marcher sous les ordres de Bender 40,000 hommes de troupes autrichiennes. Les Pays-Bas étaient retombés sous le joug. L’insurrection n’avait eu qu’un effet chez nous, c’était de donner le jour à un journal célèbre, les Révolutions de France et de Brabant, qui s’attacha comme un brûlot aux flancs de Montmorin. Le jeune