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allemands possessionnés. Il s’y était d’autant mieux engagé que les écrits français et les harangues de nos orateurs avaient donné un grand mouvement aux esprits dans les électorats de Trêves, de Cologne et de Mayence. Cependant la constituante, qui n’était pas prête à déclarer la guerre, avait reconnu le principe d’une indemnité. M. de Ternant, colonel du régiment le Royal-Liégeois, avait été envoyé par Montmorin en mission extraordinaire à Coblentz pour déterminer les princes, réunis à la diète de Ratisbonne, à accepter un règlement basé sur les traités[1]. Une lettre à M. de Vergennes, fils de l’ancien ministre, et représentant la France dans les électorats, les dépêches à M. de Noailles, ambassadeur à Vienne, indiquent clairement les difficultés. Elles pouvaient être pacifiquement résolues ; mais le roi et la reine, éperdus, sans appui réel à l’intérieur, ne comptant plus sur personne autour d’eux pour sauver la monarchie, veulent gagner du temps, espérant dans une intervention conciliante des puissances coalisées.

Montmorin est alors chargé de rédiger le manifeste célèbre du 23 avril 1791, adressé à tous nos représentans à l’étranger. « Le roi, écrivait-il, me prie de vous mander que son intention la plus formelle est que vous manifestiez ses sentimens sur la révolution et la constitution à la cour où vous résidez ; les ambassadeurs et ministres de France près toutes les cours de l’Europe reçoivent les mêmes ordres, afin qu’il ne puisse rester aucun doute ni sur les intentions de Sa Majesté, ni sur l’acceptation libre qu’elle a donnée à la nouvelle forme de gouvernement, ni sur son serment inviolable de la maintenir. » Cette circulaire s’efforçait surtout de répondre à cette accusation que la volonté du roi avait été forcée, et elle se terminait par ces mots : « Ces calomnies ont cependant pénétré jusque dans les cours étrangères ; donnez de la constitution française l’idée que le roi s’en forme lui-même, ne laissez aucun doute sur l’intention de Sa Majesté de la maintenir. »

Montmorin communique cette circulaire à l’assemblée ; elle éclate en enthousiasme, — enthousiasme de peu de durée. Dès le lendemain, l’abbé Royou publiait ses Réflexions : « Quoi ! au sein des attentats contre sa personne, des outrages faits à son épouse, des persécutions suscitées à l’église, des horreurs qui souillent la révolution, le confident des pensées du roi ose protester à l’Europe qu’il est heureux ! .. Captif au milieu d’une nation qu’il a rendue libre, il voit tous ses goûts contrariés, toutes ses intentions suspectées, ses actions dénaturées, ses vertus même calomniées ; ses plus fidèles serviteurs lui sont arrachés ; il n’est pas jusqu’à sa

  1. Archives nationales, papiers séquestrés.