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ligue, il avait eu soin de rechercher leur alliance. Il était donc disposé à leur faire une grande part dans l’organisation scolaire. Il professait d’ailleurs la plus complète tolérance à l’égard des différens cultes et de toutes les sectes. En 1845, il votait la subvention proposée par Robert Peel pour le collège catholique de Maynooth ; il se prononçait, en 1850, contre lord John Russell poussant le cri de No popery ! qui, pendant plusieurs semaines, réveilla les plus ardentes passions religieuses. Il voulait la paix avec le cléricalisme et avec les cléricaux. Mais la paix ne régnait pas entre ces derniers. L’église établie et les sectes dissidentes ne purent s’entendre sur un programme commun d’éducation ni sur la mesure d’intervention qui devait leur être attribuée dans les écoles. Ce fut seulement après avoir échoué dans ses tentatives de conciliation que Cobden adopta le système de l’éducation laïque. — L’enseignement laïcisé, tel que Cobden l’a accepté, non sans résignation, tel que la loi anglaise l’a organisé, s’applique à respecter la foi, la conscience et les droits de la famille ; il n’a pour objet que de répandre à flots l’instruction pour toutes les classes ; il entend préserver la sève religieuse de la nation et il n’offense pas la liberté.

Cobden, qui n’avait pu faire la paix entre les hommes d’église au sujet de l’éducation nationale, ne perdit pas courage un seul jour dans l’accomplissement de la mission qu’il s’était donnée d’organiser la paix entre les peuples. Paix universelle ! guerre à la guerre ! Il inscrivit cette invocation à la paix et cette malédiction contre la guerre en tête des réformes politiques, financières et sociales que devait professer l’école de Manchester. Il voyait s’accroître chaque année les dépenses militaires, et il affirmait, dans son Budget du peuple, que l’Angleterre pourrait hardiment les réduire de 200 millions de francs par an. Il avait observé, dans ses voyages en Europe, que toutes les nations, les petites comme les grandes, étaient écrasées sous le poids de leurs arméniens. Dans les institutions militaires de la Grande-Bretagne, dans l’administration coloniale, il dénonçait la prédominance de l’aristocratie, avide de grades, de dignités, d’emplois lucratifs et de sinécures. Il ne ménageait pas davantage la diplomatie, attardée dans les traditions du passé, incapable de prévenir les abus de la force et de procurer aux peuples modernes l’ordre et la paix. A ses yeux, la plupart des guerres avaient été stériles ou néfastes, soit en n’atteignant pas leur but, soit en le dépassant ; historiquement, toute guerre avait engendré une guerre nouvelle ; aucune n’avait rien réglé, et il n’en était résulté pour les nations que la dépopulation et l’appauvrissement. — Cette thèse n’était pas neuve, mais Cobden sut la rajeunir par la vivacité et par l’abondance des argumens. N’oublions pas