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fils de Jacques Valerio. N’est-il pas vraisemblable que Tura ait eu recours à la collaboration de l’homme auquel il légua, par son testament de 1471, ses dessins et tous les objets contenus dans son atelier ?

Dominique, au surplus, ne dut pas être le seul artiste appelé à prêter son concours aux maîtres qui avaient entrepris de décorer le palais de Schifanoia. À côté de ceux-ci auraient pu intervenir aussi, vu leur âge, Antonio Aleotti d’Argenta, Stefano de Ferrare, Benedetto Coda, Michèle Ongaro, Bonaccioli, Baldassare d’Este, Ercole Grandi, fils d’Antonio Roberti. Mais on ne saurait rien affirmera leur égard. La plupart d’entre eux ne nous sont d’ailleurs connus que de nom. Quant à Domenico Panetti, qui étudia successivement la manière de Tura et celle de Costa, on doit certainement l’éliminer, quoiqu’à l’exemple de Tura il n’ait jamais quitté Ferrare. Nulle part on ne retrouve sa manière, si facile à distinguer quand on a visité la Pinacothèque de Ferrare et l’église de la Consolation.


VI.

Si les fresques du palais de Schifanoia, malgré l’obscurité qui enveloppe les artistes qui les ont faites, jettent une vive lumière sur l’état de l’art ferrarais vers la fin du XVe siècle, elles sont également, à divers autres points de vue, intéressantes à consulter.

Veut-on, par exemple, se faire une idée exacte de Borso, le prince le plus sympathique de la maison d’Este, les sujets contenus dans la zone inférieure de chaque compartiment fourniront quelques renseignemens précieux, car les principaux traits de son caractère s’y accusent avec netteté.

Ce qui le distingue avant tout, c’est le sentiment des devoirs du prince envers ses sujets, même les plus humbles, c’est le zèle pour la justice. En nous le montrant occupé à faire droit aux demandes ou aux réclamations de son peuple, la fresque du premier compartiment ne fait que rappeler ce que les habitans de Ferrare avaient vu maintes fois, ce que l’histoire n’a pas omis d’enregistrer. Quoiqu’il n’ait pas été beaucoup plus qu’un autre à l’abri des conspirations (il y en eut une en 1460 et une autre en 1461), Borso ne mettait aucune barrière entre lui et ses sujets, se croyant assez protégé par les services rendus à la chose publique et par la sagesse de son gouvernement[1]. Après s’être levé au point du jour et avoir

  1. Il fit exécuter d’importans travaux pour l’écoulement des eaux par des ingénieurs de Florence, de Milan, de Venise, de Mantoue. En outre, il sut procurer à ses états les douceurs de la paix, tandis que le reste de l’Italie était en proie à tous les maux de la guerre.